Horizon. Les Living Labs, les FabLabs, les centres créatifs se multiplient en Suisse depuis quelques années. On en recense une trentaine. De quoi s’agitil et à quoi correspond ce mouvement? Rapide tour d’horizon, histoire de comprendre les nouvelles formes que prend l’innovation contemporaine. Le besoin de coller à la réalité des consommateurs a poussé les entreprises à mieux comprendre le comportement de ces derniers, non plus à travers des études de marché comme par le passé mais par le biais d’interfaces concrètes, sorte de mini laboratoires in situ. Ainsi sont nés les Living Labs. On en dénombre plus de 200 en Europe, répertoriés et financés par les fonds de l’Union Européenne. Ces laboratoires situés pour la plupart dans des centres urbains associent les usagers à la création de services et de produits nouveaux. Soutenus par les pouvoirs publics, ils sont largement utilisés par les PME européennes qui sans cet apport, ne pourraient jamais envisager une telle approche innovante qui permet de partager des installations souvent sophistiquées et impliquer les utilisateurs dès le début du processus créatif. L’avantage en terme de valeur ajoutée est certain: le consommateur devient consommActeur.

Des entreprises comme Lego, Nokia mais aussi Fiat ont en leur temps, largement profité de cette approche. Aujourd’hui, c’est au tour d’entreprises de plus petite taille de s’engouffrer dans cette voie pour booster leur processus d’innovation. Pour ces dernières, le concept a évolué et la tendance va vers les FabLabs car leurs besoins sont plus concret comme le maquettage et le prototypage des innovations in situ. Ainsi des laboratoires complets, sortes de mini ateliers industriels, ont été mis à leur disposition à la fois avec des outils classiques de découpe de bois, du métal et du plastique souvent pilotés par ordinateur mais aussi avec des outillages plus modernes comme les imprimantes 3D de nouvelle génération. Les FabLabs qui ont pour la plupart moins de 5 ans d’existence, peuvent être considérés comme ceux de la seconde génération de la co-création. Plus performants et offrant une meilleure proximité et donc une interaction plus forte avec les clients, ils opèrent sur le mode de service aux PME dans le domaine du maquettage de l’innovation.

Créativité. Une nouvelle étape est en gestation et fait apparaître la troisième génération autour du concept des «think tank» industriels. Ce mode intègre en partie les deux phases précédentes tout en favorisant en premier lieu la créativité pure, le brainstorming Influencés par les théories du crowdsourcing et de la creative classe, ils valorisent la créativité du grand nombre plutôt que de celui des seuls experts. Dès lors, comment interpréter cette évolution dans le domaine de l’innovation? L’idée première a été de faire entrer le client dans la chaîne de la valeur en le sollicitant comme une sorte de testeur «in situ» de nouveaux produits. C’est ce que font les Living Labs. Puis, il a été question de pouvoir rapidement construire des maquettes et prototypes toujours en phase avec les souhaits des clients, c’est la tâche des FabLabs. Enfin, dernière innovation, il a fallu faire évoluer l’ensemble vers la co-création avec les clients, le grand nombre, c’est l’idée des «think tank» industriels.

Comme pour la plupart des PME, ces trois étapes sont fort coûteuses et en dehors de leurs compétences, des organismes publics ont pris le relais et ont créé des conditions-cadres pour réaliser ces centres.

En Suisse, de tels centres comme «la Muse» espace de co-working à Genève, L’ECAL + EPFL Lab à Lausanne, le FabLab à Lucerne, le Hub à Zurich ou encore le «Swiss Creative Center» à Neuchâtel sont apparus récemment certes avec des missions diverses mais tous dans le but d’accélérer les processus d’innovation notamment pour les PME. Tous ces centres sont bien sûr dans des phases expérimentales plus ou moins avancées et il est trop tôt pour en tirer un bilan définitif, mais au vu de l’enthousiasme des entreprises qui les fréquentent de manière active, on peut d’ores et déjà dire qu’ils répondent à un véritable besoin.

Cet intérêt croissant pour de nouvelles pratiques nous rappelle les changements que notre société est en train de vivre vers plus de participatif et de co-création. Internet, les «smart phones», les réseaux sociaux, etc. ont donné à la population les moyens de participer à l’élaboration de produits et de services nouveaux. Wikipédia, les blogs, YouTube et Facebook les ont rendus possible notamment par la participation active grâce à l’écriture, la photo, la vidéo, la musique ou tout autre forme de communication.

Dès lors, aucun champ de la vie active et professionnelle ne semble échapper à ce mouvement. Les produits et services autrefois élaborés par les seules entreprises et leurs centres de R&D tombent dans la co-création». Les grandes entreprises d’abord, puis les PME ont compris le message et ces formes d’interfaces de la chaîne de valeur que sont les centres créatifs, répondent parfaitement à cette nouvelle donne économique.

La Suisse dans sa position désormais de grande favorite de l’innovation elle se classe régulièrement parmi les pays les plus innovants dans les benchmarks internationaux se doit de maîtriser rapidement ces nouvelles approches des processus d’innovation, si elle ne veut pas se faire distancer par la rude compétition internationnale. Dans cette perspective, n’oublions pas que l’innovation est désormais notre principal atout.

Cet article est paru dans «AGEFI magazine» du 23 novembre 2011 (p. 29).