Avenir Suisse, dans sa nouvelle publication présentée vendredi à la presse, détruit quantité de fausses idées sur la fiscalité helvétique à travers les essais de douze économistes, dont les Romands Dusan Isakov (Uni Fribourg), Thierry Madiès (Uni Fribourg) et Simon Schnyder (IDHEAP).

Le titre du livre, Les chantiers de la fiscalité suisse, traduit la volonté de se confronter aux principales questions sans chercher l’exhaustivité, a déclaré Gerhard Schwarz, directeur d’Avenir Suisse. Il en résulte sept thèses allant de la TVA à l’imposition des entreprises.

Le niveau de la fiscalité n’est pas plus bas qu’ailleurs et équivaut à celui de la France, de l’Italie et des pays scandinaves. Ce niveau, contrairement aux pratiques de l’OCDE, intègre les prélèvements obligatoires. S’ils sont prélevés par des assurances privées, ils contiennent des éléments redistributifs au fort caractère fiscal. Les recettes fiscales par habitant, ajustées à la parité du pouvoir d’achat, sont plus élevées en Suisse qu’en Suède, pays symbole de l’Etat social. De plus, la charge fiscale s’est fortement accrue. La hausse est de 60% depuis 1965, sous l’effet de puissants groupes d’intérêts.

Selon Avenir Suisse, la Suisse dispose d’une fiscalité moins progressive qu’ailleurs parce que la distribution est moins inégale. Les hauts revenus contribuent proportionnellement à l’impôt. En Suisse, 10% des ménages les plus riches gagnent 23,5% des revenus et paient 21% des impôts directs. Dans d’autres pays, les riches paient une part supérieure
des impôts directs. L’explication se trouve dans l’effet régressif de la TVA. Celle-ci joue un rôle inférieur en Suisse, ce qui enlève à notre pays la nécessité de compenser son effet régressif par une progressivité accrue de l’impôt sur les revenus.

Le système fiscal suisse a surtout un atout «qui mériterait de figurer au patrimoine culturel mondial, son fédéralisme», selon le think tank. Ailleurs, le contribuable a rarement autant la possibilité d’exprimer sa volonté.

Trois thèmes d’actualité sont traités, la réforme écologique, la valeur locative et les successions.

Une taxe incitative peut améliorer les résultats du marché, selon Marco Salvi. Mais les taxes pratiquées en Suisse ne livrent que rarement les résultats escomptés. L’initiative des Verts libéraux, qui veut remplacer la TVA par une taxe sur l’énergie, contredit sa logique incitative. L’initiative conduirait à augmenter les recettes fiscales sous le couvert d’une politique incitative. En effet, le coût des externalités liées au CO2 est estimé à 1 milliard de francs, sur la base d’un prix de la tonne de CO2 de 100 dollars (estimation 2006 de Stem). Or les recettes de la TVA sont de 21 milliards. L’impôt proposé serait donc 21 fois trop lourd (le prix actuel de la tonne de CO2 est même de 7 dollars). Enfin, les taxes incitatives représentent déjà 19,1% des recettes de la Confédération. L’objectif visé par de telles propositions est souvent plus idéologique qu’incitatif, selon Avenir Suisse.

Surprise sur le logement: «il n’est pas nécessaire de réformer la fiscalité de la valeur locative», a affirmé Marco Salvi. Les politiciens «cherchent un problème où il n’y en a pas. La déduction des intérêts n’est pas une incitation à s’endetter. Et la suppression de l’imposition de la valeur locative se traduirait par une discrimination. Or, la fiscalité ne doit pas interférer dans le choix entre l’achat et la location.»

Enfin, l’initiative qui veut imposer les successions, avec effet rétroactif, est «immorale à travers sa clause de rétroactivité», selon Rudolf Walser, ex-chef économiste d’economiesuisse. Par ailleurs, elle serait inefficiente, ainsi que le montre l’exemple allemand. Elle réduirait également, à travers son influence sur les PME, l’encouragement à l’innovation
en pénalisant le capital-risque. Elle introduirait une nouvelle forme d’impôt sur la fortune, un impôt déjà présent en Suisse. Et ce serait une attaque claire contre le droit de propriété.

Cet article est paru dans «Le Temps» du 21 janvier 2012.