La Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP) a été adoptée il y a trente ans. Depuis, les conditions sociétales, démographiques, financières et politiques qui prévalaient à l’époque ont significativement changé. Aussi, la prévoyance professionnelle a-t-elle besoin d’une cure de jouvence. Des réformes profondes sont nécessaires. Pourtant, on observe une situation de blocage un état de fait qui a trouvé son point culminant dans le vote sur la réduction du taux de conversion en mars 2010. Dans une récente publication, Avenir Suisse propose ainsi trois axes de réforme.

1. Plus de personnalisation

La société d’aujourd’hui est caractérisée par une mobilité et un niveau de personnalisation accrus, comparée à la situation des années 1980. La faible représentation des employés dans les conseils de fondation, mesurée par le nombre d’assurés par membre du conseil, conduit inévitablement les institutions de prévoyance à prendre des décisions qui s’orientent à «l’assuré moyen». Les besoins individuels des employés ne peuvent être que marginalement considérés. Cette approche perd de son sens dans une société moderne. Au contraire, il faut considérer les assurés comme des citoyens adultes et responsables et leurs donner les moyens, mais aussi les responsabilités, de respecter leurs préférences. Ainsi, les assurés devraient pouvoir définir leur stratégie de placement pour l’ensemble des avoirs sur-obligatoires et, à moyen terme, choisir eux-mêmes leur institution de prévoyance.

2. Financement durable

Les paramètres techniques comme le taux d’intérêt minimum ou le taux de conversion dépendent principalement de l’espérance de vie et des rendements moyens des marchés des capitaux, deux variables en dehors du pouvoir d’influence de la politique. En fixant ces valeurs dans la loi, ces paramètres seront toujours en décalage avec la réalité. Les rentes légales prescrites sont par conséquent trop hautes et conduisent à des effets de redistribution – contraires au principe de capitalisation du 2e pilier – de 600 millions à 1500 millions de francs par année. C’est pourquoi la définition du taux de conversion devrait être dépolitisée et déléguée aux conseils de fondation des institutions de prévoyance, comme c’est le cas au Liechtenstein.

3. Des règles de jeux égales

Certaines exigences légales ne sont pas les mêmes pour les institutions de prévoyance de droit public et de droit privé. Cette différence de traitement augmente la complexité de la prévoyance professionnelle et renforce le manque de transparence. Cela amène souvent les assurés des caisses de pension privées à se sentir injustement traités, ce qui contribue à saper encore la crédibilité du deuxième pilier. Par exemple, les caisses de pension privées qui sont en découvert doivent prendre des mesures d’assainissement afin de retrouver un taux de couverture de 100% dans un délai de 5 à 7 ans. Il en va autrement pour les caisses de pension de droit public bénéficiant d’une garantie d’État. Dans ce cas, elles ont 40 ans, c’est-à-dire jusqu’en 2052, pour redresser leur situation financière. D’ici là, elles ne devront toutefois qu’atteindre un taux de couverture de 80%. On parle alors d’un système de capitalisation partielle. Cette dernière ou sous-couverture permanente signifie tout simplement que les rentes en cours et promises ne sont pas couvertes par des capitaux suffisants. Les fonds manquants doivent être financés soit par les budgets courants, soit par l’endettement de l’État. Les sommes nécessaires sont considérables et s’élèvent à 50 milliards de francs. Ce problème est particulièrement flagrant en Suisse latine.

La capitalisation partielle est choquante et contraire au principe de base du deuxième pilier selon lequel chaque assuré préfinance sa propre prévoyance. L’assainissement des corporations de droit public est donc prioritaire, même s’il nécessite une longue période de transition au vue des milliards en jeux. Dans les limites de la législation en vigueur, il faut viser une capitalisation complète en renonçant à la garantie de l’État. À moyen terme, il faut corriger la révision de la LPP adoptée en décembre 2010 et abolir les avantages dont bénéficient les corporations de droit public, en particulier la possibilité d’une capitalisation partielle.

Réformes en deux étapes

Mettre en œuvre les réformes proposées prend du temps. Vu la complexité du débat politique et l’urgence de certains changements, un échelonnement des réformes en deux étapes s’impose. Adopter une approche graduelle n’a pas seulement l’avantage de faciliter le consensus politique autour de propositions controversées. Cela permet aussi d’accumuler des expériences avant de se lancer dans de plus grands changements. Les citoyens peuvent ainsi mieux se familiariser avec de nouveaux thèmes, comme les possibilités de personnaliser leur prévoyance, et développer ainsi une base de confiance nécessaire pour poursuivre d’autres réformes. C’est pourquoi il convient d’établir une feuille de route qui différencie les mesures qui doivent prendre effet à court, moyen et long terme. Cependant, privilégier une mise en œuvre par étapes ne signifie pas qu’il ne faille pas coordonner les réformes. C’est tout le contraire: il faut veiller à ce que les mesures immédiates ne préjudicient pas la mise en œuvre de réformes importantes devant venir ensuite. Par ailleurs, traiter simultanément des mesures à court et à moyen terme offre davantage d’options de négociation, ce qui favorise plutôt l’atteinte d’un consensus politique.

Cet article est paru dans «Point de mire» en mars 2013.