Le canton de Neuchâtel élira son Conseil d’Etat dimanche prochain. Initialement prévues le 14 avril, les élections avaient été reportées suite au décès d’un candidat. Les 115 membres du Grand Conseil ont toutefois été élus à cette date. En revanche, situation politique inédite, le dépouillement des bulletins aura lieu en même temps, le 28 avril. C’est dans ce contexte particulier que le directeur romand d’Avenir Suisse, Xavier Comtesse donne un regard avisé et optimiste sur son canton d’origine. Une région jouissant à tord d’une image négative et qui pourtant, posséderait tous les atouts pour devenir un modèle pour la Suisse. Un changement de paradigme qui devra toutefois inévitablement passer par une remise en question de la stratégie fiscale. En revenant sur les récents dossiers du Transrun ou encore du carrefour Numa-Droz, Xavier Comtesse met également en évidence la mauvaise direction prise par les instances politiques et leur manque de vision totale en privilégiant ce type d’investissement au détriment de la valorisation de sa population estudiantine.

Quel regard portez-vous sur les élections neuchâteloises, notamment sur le fait que suite au décès d’un candidat, les résultats seront connus en même temps?

Il est étrange d’élire les conseillers d’Etat sans connaître les résultats du Grand Conseil. C’est une mesure qui n’est pas saine et dommageable, car elle ne reflète pas la volonté du législateur. Le taux de participation extrêmement faible avoisinant les 32% pour l’élection au Grand Conseil, témoigne du désarroi de la population face au château. Quelque chose ne fonctionne plus. Nous l’avons observé avec la dernière législature qui fut catastrophique. Cette situation est d’autant plus grave que le canton est d’une richesse unique. L’environnement naturel est magnifique et préservé, l’économie va bien. À une époque où toute l’Europe se désindustrialise, Neuchâtel est une région industrielle par excellence. Un secteur employant plus de 40% de la population active du canton. On y trouve les usines parmi les plus modernes au monde. Le canton jouit pourtant d’une mauvaise image et l’on ressent un certain pessimisme ambiant alors qu’il suffirait de très peu de choses pour le valoriser. J’estime même que le canton pourrait devenir à terme un modèle en Suisse.

Quelles seraient donc les solutions à apporter?

Le cœur du problème réside dans la fiscalité. D’après les estimations, il manque environ 20.000 habitants dans le canton. La seule manière de faire venir ces gens, c’est de baisser les impôts. La moitié des travailleurs n’habitent pas dans la région, mais viennent s’établir à la lisière du canton. On l’observe notamment avec l’agrandissement des villages vaudois limitrophes. Cette situation n’est plus tenable. Il faut absolument rapatrier ces exilés intérieurs fiscaux. Ce n’est pas un problème gauche/droite mais un manque de vision totale de la part des instances politiques. C’est le même cas de figure s’agissant des jeunes.

C’est-à-dire?

Il n’y a aucune stratégie visant à garder les jeunes étudiants sur Neuchâtel après leur sortie des hautes écoles de la région. Le canton est incapable de valoriser cette fontaine de jouvence. Pour ces étudiants, le fait de rester à Neuchâtel au terme de leurs études s’apparente souvent à un échec. Ils estiment que pour réussir, le seul moyen est de partir à Zurich ou dans la région lémanique. En voulant investir dans des projets comme le Transrun ou plus récemment dans le carrefour Numa-Droz, les politiques se trompent totalement de cible. Ce n’est pas le béton qui va renforcer le canton mais la matière grise. Il faut donner une impulsion forte, démontrant une volonté ferme de valoriser et de garder cette population primordiale pour le futur du canton.

Concrètement, par quels moyens?

Il y a une incroyable concentration estudiantine dans la ville de Neuchâtel répartie entre la He-Arc, l’Université ou encore bientôt l’EPFL avec la création de Microcity. Il faudrait réunir toutes ces institutions sur un même territoire clos, un campus avec des frontières dessinées à même le sol. Un système basé en quelque sorte sur le modèle des universités américaines.  On observe un peu les prémices de cette stratégie à Neuchâtel avec une volonté de rapprochement géographique entre les différentes écoles, or elle n’est de loin pas une priorité politique.

Les prochaines élections pourront-elles amener un changement à ce niveau?

Après avoir analysé les différents programmes politiques, on remarque qu’aucun parti ne propose une vision allant dans ce sens. Un peu comme si, dans le fonds, il n’existait aucun programme et que tout le monde se répétait sans cesse. L’objectif de cette nouvelle législature sera essentiellement de retrouver un environnement de travail plus calme que ce qu’elle a connu précédemment.

Vous évoquiez le projet du Transrun et du carrefour du Numa-Droz, deux projets refusés par la population. Ces types d’investissement ne sont-ils pas nécessaires pour l’avenir du canton?

S’agissant du Transrun ou tout autre projet visant à améliorer la mobilité entre les deux villes, c’est une aberration. Le 60% des utilisateurs seront des étudiants. L’ouvrier qui se rend à son travail dans l’une des deux villes prend sa voiture. Son rêve, c’est la BMW pas le train. L’apport économique de ce genre d’investissement est nul. C’est pareil pour de nombreuses dépenses liées à l’aménagement. Le projet du Transrun avait toutefois été accepté par les trois villes du canton, ce qui amène également à un constat: la fin d’un des mythes fondateurs du canton concernant la rivalité et les différences culturelles entre le Haut et le Bas. Il faut arrêter d’invoquer sans cesse ces clichés, de raconter les mêmes histoires qui n’existent plus. Les grandes familles bourgeoises, dignes héritières de la période prussienne ne sont plus au pouvoir. La crise horlogère est bien lointaine. Il faut maintenant que le canton se réinvente une nouvelle histoire autour de sa formidable activité industrielle moderne et diversifiée. Il doit enfin prendre conscience de sa richesse et saisir les opportunités qui se présentent à lui.

Cet interview a été publié dans L'AGEFI le 22 avril 2013.