Le 2 juillet 1997 éclate à Bangkok (chute du baht thaïlandais) ce que l’on va appeler la crise asiatique. Les économies d’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Malaisie, Indonésie et Philippines mais aussi Hong Kong, Singapour, Corée du Sud, Taiwan) vont traverser alors une zone de turbulences financières, économiques, sociales et politiques sans précédent.

La crise est exceptionnelle en plusieurs points: elle a non seulement frappé les économies les plus dynamiques au monde à ce moment là mais elle a aussi déclenché une stratégie de sauvetage financier souvent critiquée mais encore jamais vue alors par son ampleur de la part du FMI. De plus, elle a surpris bon nombres de Hedge Funds et un peu près tous les économistes. Elle va rapidement menacer toute l’économie mondiale. L’origine de la crise est aussi bien monétaire que financière, elle trouve son épicentre en Thaïlande et s’étendra partout en Asie du sud-est, touchant aussi bien la Malaisie, l’Indonésie, la Corée du Sud …que Singapour!

Cependant le déroulement de cette crise contraste avec le miracle asiatique et ce que le monde attendait de ces pays. Après trente années de croissance soutenue, les pays du sud-est asiatique avaient quasiment atteint les performances économiques occidentales. S’appuyant sur une épargne forte, des taux d’investissement élevés, des exportations abondantes, ces pays industrialisés consacraient, par leur réussite économique, l’efficacité des valeurs asiatiques comme une sorte d’alternative spécifique à la démocratie de marché occidentale.

Les interprétations divergent sur les causes de l’effondrement de ces économies: certains y voient essentiellement des phénomènes de panique non fondés sur des déséquilibres macro-économiques, alors que d’autres mettent en avant la vulnérabilité des économies asiatiques et tiennent les mauvais choix de politique économique pour responsable de ces dérèglements.

D’autres encore y voient le surinvestissement et des niveaux de dette extérieure très élevés comme causes sous-jacentes à cette crise, qui a débuté sous la forme d’une crise monétaire (forte dépréciation des monnaies asiatiques) Malgré ces divergences, tout le monde semble s’accorder sur certains points. La crise asiatique diffère des précédentes, et notamment de celles qui ont frappé les pays latino-américains dans les années 80 et de nouveau en 94-95: elle sanctionne des dérives financières.

Pour bon nombre d’observateurs cette crise fut considérée comme la démonstration que le capitalisme était la seule voie de développement économique possible après l’effondrement, une décennie plus tôt, des états communistes et maintenant des tigres asiatiques dont les acteurs financiers étaient trop étroitement liés à l’état lui même. La séparation des pouvoirs s’imposait.

La deuxième prise de conscience a été pour les gouvernements d’élaborer des stratégies de développement économique plus endogène, notamment en favorisant plus d’investissements dans les infrastructures, l’éducation, l’innovation, etc. mais également en cherchant à consolider leur place financière. Ce fut en tous les cas le choix de Singapour. Souvent cité en exemple, ce pays intéresse en ce moment tout particulièrement la Suisse qui traverse une sorte de crise de régulations tempétueuses.

La place financière de Singapour était alors déjà connue comme centre de foreign exchange et aussi comme centre régional pour des pays d’Asie du sud-est, mais pas du tout comme centre de gestion d’actifs ou asset management. Que s’est-il alors passé? Tout simplement en février 1998, seulement six mois après la crise, le futur premier ministre Lee Hsien Loong , alors président de la , «Monetary Authority of Singapore», annonce un nouveau plan pour développer, pas à pas, Singapour en un centre asiatique d’importance en asset management. Aujourd’hui Singapour figure parmi les premières places mondiales. La stratégie est simple: attirer sur place les meilleurs gestionnaires de la planète en offrant des conditions cadres, notamment fiscales, avantageuses d’une part et d’autre part, faire gérer sur place encore une partie de ses immenses fonds souverains.

Aujourd’hui non seulement le monde suisse de la finance est décontenancé par les changements permanents de repères dans la régulation mais également la population tout entière. Les nouvelles semblent être jour après jour plus déstabilisantes les unes que les autres. Il faudrait que cela s’arrête. Tout le monde semble le vouloir. La façon de procéder est d’avoir sur la table de discussion un plan de (re)conquête et non de reculade. Il faut changer la perspective. L’asset management en ce sens serait un excellent choix à la fois parce que tout en ayant des compétences dans le domaine, ce n’est pas aujourd’hui la force première du système suisse.

Le devenir serait pourtant un objectif raisonnable qui changerait la dynamique actuelle. De plus, l’asset management devrait nous permettre d’attirer les gens les plus brillants du monde financier. L’exemple de Singapour nous montre en tous les cas que c’est possible. Nous verrons demain, dans un prochain article, comment?

Cet article est paru dans «L'Agefi» du 29 octobre 2013.