Seulement six mois après la crise asiatique (1997), le Gouvernement de Singapour, lance le projet de construire un puissant Cluster financier. En s’appuyant d’abord sur l’acquis, à savoir principalement sur un marché des devises (FX) existant qui avait profité de la naissance d’un marché du dollar asiatique dans les années 70 pour se développer fortement. Ainsi, dès la fin des années 90, le Gouvernement peut compter sur la présence de plusieurs banques et de traders notamment étrangers sur son sol. Profitant ensuite de la situation géographique entre les deux occidents et donc une situation temporelle importante entre la fermeture des marchés américains et l’ouverture de ceux de l’Europe mais aussi géopolitique avec la rétrocession de Hong Kong qui repassa sous contrôle chinois en 1997, Singapour chercha a attirer des gens de talents et des compagnies financières mondiales à forte grande réputation. Pour ce faire, trois éléments stratégiques vont compter: des infrastructures de télécommunications ultra-modernes furent créées, une régulation fiable, stable et très favorable aux investisseurs va être mise en place et finalement des avantages fiscaux vont être accordés aux managers. Deux autres avantages régionaux allaient aussi être mis en avant, d’un point de vue promotionnel par les autorités afin d’attirer des compétences; ce fut à la fois, la grande disposition de fonds souveraines et la proximité du marché de l’Asie du sud-est, lui aussi riche en épargne. Au final, la place financière de Singapour peut se targuer de gérer aujourd’hui environ 1400 milliards de dollars dont 30% de fonds nationaux, 45% d’Asie du sud-est et seulement 25% du reste du monde. L’asset management comprend plusieurs types d’activités: hedge funds, private equity, devises, EFT (Exchange Traded Funds), indices, actions, obligations, immobiliers, infrastructures, matières premières, etc.

Chacun ayant ces propres spécificités, on observe une différentiation des intervenants et aussi des places financières mondiales. Mais il est clair que chacun va développer des points forts qui vont devenir autant de marqueurs professionnels que d’indicateurs pour le choix des investisseurs, li en est de même pour les places financières. Ainsi dans une stratégie de croissance par piliers successifs, Singapour a commencé par développer son marché des obligations. Ce marché était en Asie du sud-est relativement dormant. Donc en encourageant fortement les agences étatiques à émettre des obligations, un marché est né. En allant attirer d’autres émetteurs publics et privés de la région, ce marché s’est agrandi. En second lieu et toujours en s’appuyant sur le marché des devises existant, Singapour a largement encouragé le développement des ETF.

Aujourd’hui, c’est devenu aussi une composante importante du marché. Tel a été dans les grandes lignes, la stratégie de Singapour dans le domaine de l’asset management. En parallèle, et d’une façon tout à fait complémentaire, l’industrie du , «wealth management» s’est aussi développée dans le pays. Les autorités ont rapidement compris l’intérêt pour eux de faciliter par la réglementation et l’impôt un tel marché et de l’impact positif que cela aurait sur l’ensemble de la place financière. Aujourd’hui à Singapour, les activités d’asset management comptent pour un peu plus de 4% du PIE, gérant 1400 milliards de dollars, employant plus de 3000 personnes (au sens strict) dans près de 800 compagnies (on notera que le faible nombre d’emplois montre une grande quantité de toutes petites unités regroupées autour de personnalités de la finance qui se sont mises à leur compte). Cette disposition particulière que l’on trouve seulement à Singapour peut expliquer la rapidité de la mise en place du cluster, «asset management» voulu par les autorités seulement une dizaine d’années avant sa consécration au niveau des benchmark internationaux. Aujourd’hui Singapour est numéro 3 mondial. Très jolie performance, il faut le reconnaître et peut être s’en inspirer! Que retenir de l’expérience de Singapour? D’abord que de la crise peut naître un renouveau. Le champ des initiatives est, en quelque sorte, libre. La nécessité vitale de réagir offrant des horizons nouveaux. Ensuite, en plus d’une vision, il faut un plan d’exécution réaliste basé sur une approche pas à pas, mais dont chaque étape fait sens avec celle qui la précède.

Enfin, il faut construire sur ce que l’on a d’abord et pour le reste, il faut aller chercher ailleurs les compétences et surtout les gens de ta- lent afin de donner du momentum, du push à toutes décisions. Il faut se méfier des grandes déclarations qui ne sont pas suivies d’actes, cela décourage les acteurs et disqualifie les auteurs.

La Suisse pour relancer sa place financière a vraiment besoin d’une telle approche que Singapour a expérimenté avec talent et succès. Nous y reviendrons demain dans un article fait de propositions.

Cet article a été publié dans «L'Agefi» du 30 octobre 2013.