En comparaison internationale, notre démocratie directe a freiné la construction galopante d’un Etat social. Pourtant, c’est précisément ce droit de participation du peuple qui a empêché ces dernières décennies d’importantes réformes politico-économiques. Avec deux exceptions notables: en 1995, l’introduction d‘un frein aux dépenses a rencontré l’approbation de 83% des votants, tout comme l’introduction du frein à l’endettement, accepté à 85% en 2001. Une règle de stabilisation pour un financement durable de l’AVS serait donc la suite logique.

D’autant plus que de tels automatismes trouvent des adeptes à l’étranger. Certains pays misent sur les contributions. Les cotisations salariales pour le financement du «Régime de rentes du Québec» sont automatiquement augmentées de 0,1% lorsque la stabilité financière de la réserve – le pendant du fonds de l’AVS – n’est plus assurée. Détails croustillants: la réserve du premier pilier de la province canadienne couvre les dépenses pour 3 ans (le fonds de l’AVS en revanche pour à peine un an) et sa stabilité doit être assurée pour les 50 prochaines années.

D’autres pays misent sur les prestations. En Suède, le montant des rentes dépend du taux de couverture du premier pilier. Si celui-ci vient à passer sous les 100%, les rentes doivent être réduites. Ce cas s’est produit après la crise financière de 2008 et a fait office de test d’endurance. Toutefois, les Suédois ont appliqué leurs mécanismes de stabilisation à la lettre. En 2010, les rentes ont baissé de 3,0%, et de 4,5% en 2011. Pour soutenir le pouvoir d’achat des seniors, le gouvernement a cependant adopté des aides au logement et des allégements fiscaux pour les retraités. Cette approche assure certes le financement durable de la prévoyance vieillesse et une redistribution transparente, mais s’écarte du principe d’une taxation identique pour des revenus identiques et privilégie unilatéralement les retraités.

Une autre possibilité existe dans les automatismes du départ à la retraite, tel que le Danemark l’a introduit. Dès 2027, l’âge ordinaire de la retraite y sera couplé à l’espérance de vie. Cette automatisation doit assurer que les Danois bénéficient d’une retraite durant 14,5 ans en moyenne. En comparaison, l’espérance de vie moyenne à 65 ans s’élevait en Suisse à 19,1 ans pour les hommes et à 22,1 ans pour les femmes en 2013.

Par conséquent, à quoi devrait ressembler une règle de stabilisation pour l’AVS ? Un élément important dans le contexte suisse est la «symétrie des sacrifices»: l’équilibre entre les recettes supplémentaires et l’adaptation des prestations d’une part, et un partage des charges entre actifs et retraités de l’autre. La proposition de la réforme Prévoyance vieillesse 2020 ne remplit cette condition qu’à première vue. Elle prévoit une hausse des cotisations salariales et une suspension de l’adaptation automatique des rentes à l’indice mixte au cas où le niveau du fonds de l’AVS tombe sous les 70% des dépenses annuelles. La suspension devrait toutefois être abolie après cinq ans et l’inflation amplement compensée. La réglementation n’exigerait en fait que des recettes supplémentaires et seulement de la part des actifs.

Une proposition de l’union patronale suisse prévoit une augmentation de la TVA de quelques pour mille plutôt qu’une hausse des cotisations salariales. Ainsi, des contributions supplémentaires seraient exigées des actifs et des retraités. L’adaptation des prestations devrait passer par une élévation de l’âge de la retraite de quelques mois plutôt que par la suspension de l’indice mixte. Ainsi, les rentes AVS ne seraient pas réduites et l’objectif de prestations fixé dans la Constitution pourrait aussi être assuré, même dans un environnement inflationniste. Comme les exemples le montrent, des règles de stabilisation peuvent être très efficaces si elles sont correctement mises en œuvre.

Cet article a été publié dans le magazine «Schweizer Versicherung» le 4 mai 2015.
Avec l’aimable autorisation de Schweizer Versicherung.