«Les inégalités salariales sont simplement de la faute des femmes, et il ne faut surtout pas corriger les défaillances dans le système.» Ainsi résumait Samuel Bendahan, dans L’Hebdo du 17 décembre 2015, la récente publication d’Avenir Suisse sur la parité salariale entre hommes et femmes. Voilà une drôle de manière d’interpréter une étude qui a surtout le tort de remettre en question certains dogmes, comme celui qui voudrait que toute différence salariale entre les sexes serait la conséquence d’une discrimination systématique de la part des entreprises.

En s’appuyant sur une abondante littérature économique, l’analyse aboutit en effet à la conclusion qu’il serait faux d’incriminer le marché du travail pour les disparités salariales actuelles. A cela, elle avance plusieurs raisons. La première naît d’un constat qui va de soi: sur un marché du travail flexible comme le connaît la Suisse, une discrimination salariale systématique des femmes ne pourrait perdurer, car les entreprises, toujours à l’affût de mesures d’économie, s’arracheraient ce personnel féminin soi-disant sous-payé.

Au-delà de ces arguments d’ordre fondamental, l’étude met en évidence les mécanismes pratiques à l’origine des différences salariales entre les sexes. Les causes immédiates sont à rechercher dans le recours plus fréquent des femmes au temps partiel (qui peut être un frein à leur carrière) et leur absence relative au sein de professions exigeant une forte flexibilité temporelle ou géographique – et qui sont pour cette raison mieux rétribuées. Ces deux entraves à la parité salariale sont à rapporter à la difficulté de concilier carrière et famille. Ainsi, ce n’est pas un hasard si les différences salariales s’observent moins entre femmes et hommes qu’entre mères et pères.

La difficulté à concilier travail et famille influence le choix professionnel des jeunes femmes et plus tard la répartition des tâches familiales. S’il était plus facile de concilier vie professionnelle et vie familiale, de nombreuses femmes augmenteraient leur taux d’activité, ce qui accroîtrait leurs chances de progression professionnelle. Du point de vue d’Avenir Suisse, la meilleure manière de soutenir les ambitions professionnelles des femmes consiste non pas à punir les entreprises pour des choix pris par les couples eux-mêmes, mais plutôt à supprimer tous les obstacles qui se dressent face à un engagement plus important des femmes dans leur métier.

Contrairement à ce qu’affirme Samuel Bendahan, Avenir Suisse ne se contente donc pas du statu quo mais suggère des mesures efficaces pour y parvenir, notamment:

  • Le passage à l’imposition individuelle optionnelle: dans le système en vigueur, le deuxième revenu d’un ménage (principalement apporté par la femme) est particulièrement désavantagé par l’imposition commune des revenus.
  • La déréglementation de l’accueil extrafamilial pour les enfants: de nombreuses obligations réglementaires pour les crèches devraient être supprimées, et les différentes formes de garde d’enfants (garderies, mamans de jour, baby-sitters) devraient être traitées sur un pied d’égalité. L’introduction de bons pour l’accueil des enfants directement versés aux parents (en lieu et place de subventions allouées aux crèches) irait dans ce sens.
  • Un congé parental flexible: il devrait compléter le congé maternité et correspondrait mieux aux besoins des jeunes familles. Il permettrait de diversifier à l’intérieur du couple les risques à la carrière inhérents à une interruption du travail.

En s’attaquant aux entreprises et à la flexibilité du marché du travail, la politique avoue son impuissance à poursuivre ces vraies réformes. Pire encore, la récente proposition de Simonetta Sommaruga d’introduire un contrôle statistique obligatoire des salaires dans les entreprises risquerait de se retourner contre les femmes. Pour éviter d’être (faussement) accusées de discrimination, les entreprises éviteront à l’avenir d’engager du personnel féminin. Les faux diagnostics portent souvent à de bien dangereuses thérapies.