Plus de 85% des couples qui vivent sous le même toit sont mariés. Pour les couples retraités, la proportion s’élève même à 95%. Ainsi, la pénalisation du mariage n’a ni découragé les couples de se marier, ni incité un nombre important d’époux plus âgés à conclure un «divorce blanc».

Cette situation s’explique notamment par le fait que, en réalité, seule une minorité des couples mariés subissent réellement des désavantages fiscaux. Certes, au niveau fédéral, environ 80 000 couples mariés gagneraient à être en concubinage selon les estimations de l’Administration fédérale des contributions. Parmi ces couples se trouvent surtout des époux retraités et des ménages dans lesquels le deuxième revenu contribue à 20% ou plus au revenu total du couple. Toutefois, ils représentent 6,5% des quelque 1,25 millions de couples qui vivent ensemble. De plus, si l’on prend en considération les impôts cantonaux et communaux sur le revenu, on assiste à un retournement de situation : souvent, il vaut mieux être marié que de vivre en concubinage. Généralement, indépendamment de l’état civil et du nombre d’enfants, les couples sont moins imposés que les célibataires, à capacité économique égale.

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Comment décourager de travailler

Le fait que, de manière générale, il vaut mieux être marié est dû en grande partie au principe du splitting, que de nombreux cantons appliquent pour les époux. Selon ce principe, pour déterminer le revenu imposable, le revenu total du ménage est divisé par un facteur ; celui-ci équivaut à 2 dans le cas d’un splitting total. Etant donné qu’un seul barème est appliqué à l’ensemble des contribuables, aucun couple marié ne paie, à revenu total égal, des impôts plus élevés que s’il était en concubinage, peu importe la répartition des revenus en son sein. Au contraire : plus les différences de revenu sont importantes au sein du couple, moins la charge fiscale est lourde pour celui-ci s’il est marié. Ce système incite donc à se marier, en particulier pour les couples en concubinage dont l’un des partenaires gagne moins (la femme dans 90% des cas).

Mais ce ne sont pas les seules incitations que crée le système de splitting. Etant donné que le couple, s’il est marié, dispose de plus d’argent en raison d’une charge fiscale moins lourde, il aura tendance à réduire un peu son temps de travail pour jouir de davantage de temps libre. Les hommes occupant presque toujours un poste à plein temps, cet «effet de revenu» se fera sentir surtout pour les femmes. Toutefois, un autre effet influencera, de manière encore plus marquée, la participation au marché du travail : «l’effet de substitution». Les femmes qui vivent en concubinage et qui ont un taux d’activité, et un revenu, plus faibles paient aujourd’hui moins d’impôts. Or, si un changement de système les encourageait à se marier, leur revenu serait imposé à un taux plus élevé (en particulier si leur époux gagne plus que la moyenne). Dans ces conditions, il est fort possible qu’elles arrêtent tout à fait de travailler après s’être mariées. C’est pour cette raison que le splitting est parfois qualifié de «prison dorée».

Des conséquences pour le marché du travail

L’introduction générale du splitting au niveau fédéral, visant à supprimer les derniers désavantages pour les couples mariés, ne laisserait pas indemne le marché du travail. Un tel changement dissuaderait de nombreuses femmes d’augmenter leur taux d’activité, malgré la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Cela aurait des conséquences à long terme pour leur carrière, pour leur salaire et donc pour la suppression des différences salariales qui subsistent entre les hommes et les femmes. Dans ce contexte, une (petite) inégalité serait écartée au détriment d’un idéal plus grand : l’égalité entre les sexes.