Le contrôle de conformité («Compliance») et de plus fortes réglementations ont commencé à s’appliquer à de plus en plus de secteurs liés aux opérations bancaires au cours des 30 dernières années. Beaucoup d’adaptations étaient logiques et sont aujourd’hui incontestées – on peut citer la Loi sur le blanchiment d’argent qui force les banques suisses à faire preuve d’une plus grande précaution depuis les années 1990. Mais, suite à la grande crise financière de 2007–2008, la réglementation du secteur financier s’est à nouveau accélérée. Les départements de Compliance sont ainsi les derniers secteurs à avoir vraiment grandi au sein des différents prestataires de services financiers. L’UBS a ainsi récemment augmenté de 350 places son unité spécialisée dans ce domaine.

Le volume de dispositions et la nécessité croissante de faire appel à des spécialistes Compliance pose des problèmes. Premièrement, les dépenses augmentent de façon marquée pour les entreprises du secteur financier, car il n’y a pas de rendement immédiat en contrepartie des frais engendrés par la Compliance. Puisque certains frais fixes minimaux sont inévitables, les plus petites entreprises sont les plus touchées et l’entrée sur le marché devient par la même occasion plus difficile. Ce qui pose presque davantage de problèmes est le fait que beaucoup de réglementations et de prescriptions de l’autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA) prescrivent une procédure détaillée dans la manière de procéder avec le client et avec les risques qui y sont associés. Les entreprises sont de ce fait très limitées dans l’application des prescriptions réglementaires. Cela entrave la concurrence entre les instituts financiers et empêche une gestion efficiente des différents risques (cf. notre compte-rendu à propos de notre événement sur la réglementation bancaire). Les désavantages économiques de la réglementation (indépendamment d’éventuels avantages de principe) sont plus importants que nécessaire, ce qui se répercute directement sur les clients.

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Il serait judicieux d’envisager de prendre également en considération l’évolution salariale future des emprunteurs lors de l’attribution des hypothèques.

Magma uniforme lors de l’attribution d’hypothèques

Un exemple illustre au mieux la situation : un règlement financier qui touche proportionnellement beaucoup d’individus est celui pour l’attribution des hypothèques pour l’acquisition d’un logement à usage propre. Le règlement vise ici d’une part à éviter que les acheteurs d’une maison ne dépassent leur capacité financière, et cela, dans le but de protéger le débiteur. D’autre part, son but est que les banques commerciales ne prennent pas trop de risques dans le cadre de leurs affaires hypothécaires. L’idée de ce second point est d’immuniser autant que possible le système financier contre des contractions du marché immobilier. On renvoie souvent à la crise immobilière suisse du début des années 1990, lorsque beaucoup de banques commerciales se sont retrouvées dans une situation délicate en raison des amortissements des crédits hypothécaires – bien que les «crédits en souffrance» concernaient surtout ceux qui provenaient du secteur de l’industrie.

C’est pourquoi il est aujourd’hui relativement difficile d’obtenir un crédit hypothécaire. Les prescriptions se basent certes en grande partie sur des autorégulations du secteur bancaire – mais celui-ci devance ainsi uniquement des prescriptions directes qui s’effectuent par le biais du régulateur. Par conséquent, l’empressement servile que l’on observe de facto ne doit pas masquer le fait que la réglementation en soi est inévitable pour les banques.

Globalement, deux directives doivent aujourd’hui être respectées pour le financement d’une propriété immobilière à l’aide d’une hypothèque.

  1. La part des fonds propres doit s’élever à au moins 20% de la valeur vénale, dont la moitié au maximum peut provenir de la caisse de pension.
  2. Les conditions relatives à la capacité financière doivent être remplies. Cela veut dire que les frais potentiels de l’habitation calculés à l’aide du taux d’intérêt hypothécaire (généralement5%!),de l’entretien et de l’amortissement ne doivent pas dépasser un tiers du revenu.

Cette énumération n’est pas exhaustive. On exige par exemple occasionnellement une responsabilité solidaire en plus. Naturellement, quelques banques demandent encore d’autres clarifications et sont légèrement plus strictes ou plus généreuses dans certaines situations – cela doit toutefois être bien fondé. On ne voit cependant pas de véritables écarts par rapport à ces prescriptions – du moins officiellement.

Même si les règles représentent des repères tout à fait valables, il y a de bonnes raisons pour une application plus flexible qu’aujourd’hui. Car il n’est nulle part documenté de façon convaincante que le processus d’attribution actuel présente de vrais avantages. Il serait par exemple intéressant d’envisager de prendre en considération l’évolution salariale future. Les statistiques montrent que le revenu augmente avec l’âge, ce qui n’est pas étonnant en raison de l’expérience croissante. Dans le cas où la charge hypothécaire est fixée pour une certaine période, il serait possible d’intégrer l’évolution potentielle des revenus – calculée de façon conservatrice bien entendu – à l’avantage du preneur d’hypothèque dans les considérations relatives à la capacité financière. D’autre part, les banques ont tendance à négliger les prix de revient pour le revenu, par exemple, les dépenses pour une crèche. Puisque de telles dépenses ne peuvent pas être évitées, il serait logique de les inclure dans les considérations relatives à l’aptitude à recevoir un crédit. Beaucoup de banques commerciales le font déjà et accordent – pour autant qu’elles puissent effectivement attribuer une hypothèque conformément aux critères décrits – des remises sur les taux d’intérêt selon le profil de risque. En d’autres termes, dans les modèles internes plusieurs facteurs sont pris en considération de manière flexible. La réglementation relative à l’attribution d’hypothèques semble par conséquent surtout produire un goulot d’étranglement, que les personnes intéressées à devenir propriétaire doivent surmonter.

Les expériences faites plaident pour de la flexibilité

L’exemple de l’attribution d’hypothèques doit montrer une chose : l’évaluation et la gestion du risque sont des processus complexes et il existe rarement une seule approche correcte pour appréhender les différents risques. Une réglementation orientée vers la concurrence tiendrait compte de ce fait et accepterait en règle générale différents concepts pour la gestion de risques divers. Dans ses mesures «too big to fail», la Suisse a montré que c’est pertinent et que cela fonctionne. D’après celles-ci, les grandes banques sont certes tenues de présenter des plans pour une liquidation éventuelle ou un assainissement en cas de crise et de mettre en œuvre des points de rupture pour leur secteur d’activité d’importance systémique. Elles restent toutefois libres dans l’application de ces directives. Les instituts concernés ont abordé les conditions de manière différenciée. L’objectif réglementaire a été atteint malgré tout. La réglementation bancaire ferait bien de prendre ce principe comme modèle à une plus large échelle.