Christophe Reymond, directeur du Centre Patronal, a introduit le sujet, esquissant les contours du débat sur l’égalité salariale. D’après les chiffres publiés par l’OFS en 2012 calculés par rapport aux salaires médians, les femmes sont aujourd’hui toujours payées 18,9 % de moins que leurs homologues masculins. Alors que le débat est très vif et émotionnel au sein de la population et du monde politique, quelle est la position des entreprises ? M. Reymond a indiqué que, selon le sondage réalisé par le Centre Patronal auprès de 660 entreprises romandes en 2015, trois quarts des employeurs accordent de l’importance aux questions d’égalité. Soulignant le caractère indiscutable du principe de salaire égal pour travail égal, il a conclu en invitant à réfléchir au sens des lois et des réglementations.

Une comparaison entre les salaires ardue

Suite à cette brève introduction, Laurent Donzé, économiste et professeur de statistique à l’Université de Fribourg, a apporté un éclairage scientifique sur le calcul de l’écart salarial entre hommes et femmes. Il a fait ressortir les problèmes encourus dans l’analyse du différentiel de salaire, que ce soit au niveau de la définition des groupes de référence ou des critères. Le statisticien a ensuite expliqué le principe de décomposition communément utilisé, à savoir que le différentiel salarial se compose d’une part expliquée, admise, et d’une part inexpliquée, controversée. A cet égard, il a souligné qu’une différence de salaire ne signifiait pas ipso facto une discrimination. Il a finaleme

Manifestation sur l'égalité salariale du 25 mai 2016

Table ronde avec Sophie Paschoud, Tibère Adler (modérateur), Laurent Donzé, Anita Balz et Marco Salvi (de gauche à droite) © Arnaud Rivet

nt appelé à dépasser la technique de décomposition traditionnelle, plaidant pour la publication de résultats utilisant d’autres méthodes.

Sophie Paschoud, secrétaire patronale au Centre Patronal, a ensuite pris la parole en commençant par analyser la notion d’égalité et de travail de valeur égale. Elle a notamment pointé du doigt la difficulté à comparer des cahiers des charges et des métiers différents. Mme Paschoud a rappelé que parmi les critères d’évolution du salaire, la disponibilité est très importante pour les entreprises. Elle a en outre déploré que les outils d’évaluation des salaires disponibles ne soient pas adaptés à la réalité des entreprises : à l’instar de Logib, le logiciel d’autocontrôle des salaires proposé par la Confédération, dont le nombre de facteurs explicatifs est insuffisant et les catégories trop schématiques. Elle a terminé son exposé en se demandant en fin de compte comment des juges ou experts pouvaient être en mesure d’estimer la valeur du travail.

Réduire les inégalités salariales: oui, mais comment?

Si au cours des trente dernières années, les salaires réels des femmes ont augmenté de 50% et ceux des hommes de 30%, les écarts salariaux persistent. Pour Marco Salvi, directeur de recherches auprès d’Avenir Suisse, cela tient à deux raisons principales. La première a trait à la biographie personnelle, notamment l’impact de la maternité, qui a pour conséquence une expérience professionnelle moins importante. La seconde est la propension des femmes à choisir des professions qui exigent moins de flexibilité et sont ainsi en général moins rémunérées. Pour réduire les inégalités salariales, M. Salvi voit deux axes. Pour les entreprises, il s’agirait d’assurer une meilleure compatibilité entre famille et carrière et de réduire la décote pour les temps partiels. Au niveau de l’Etat, il a par ailleurs plaidé pour une imposition individuelle des couples, un meilleur accueil de la petite enfance et un congé parental.

Anita Balz, secrétaire centrale des femmes socialistes suisses, a pour finir rappelé qu’alors que l’égalité salariale est un principe inscrit dans la Constitution suisse, les femmes sont concernées par la discrimination tout au long de leur carrière. Selon l’étude INFRAS et le sondage réalisé par le Centre Patronal, il est toutefois clair que la discrimination est rarement un acte délibéré. Partant du constat que les mesures incitatives actuelles n’ont pas permis de réduire les inégalités, elle a plaidé pour la mise en place d’une politique globale de l’égalité. Parmi les mesures envisagées, un congé parental, la mise en place de quotas ou encore la promotion d’une formation libérée des stéréotypes liés au genre ont été évoqués.

Lors de la table ronde et du débat qui a suivi avec le public, tous sont partis du constat commun que les inégalités salariales étaient inacceptables et devaient être abolies. En revanche, les avis divergeaient quant au diagnostic et aux mesures à entreprendre, allant d’une réglementation stricte et contraignante, à une plus grande marge de manœuvre laissée aux entreprises. Au niveau politique, le débat actuel se concentre sur la révision de la Loi sur l’égalité (LEg), qui entend notamment instaurer un contrôle des salaires régulier obligatoire dans les entreprises de plus de 50 employés.

Pour plus d'informations sur ce thème, vous pouvez consulter la publication «Parité salariale» 
(Marco Salvi, 2015) ou le sondage réalisé par le Centre Patronal en 2015.