Le texte ci-dessous est tiré de la publication web «CH 1995 2035 – Tendances globales, défis nationaux, solutions libérales».

Le marché du travail suisse, qui est caractérisé par sa flexibilité, a une portée économique et sociale qu’il faut souligner. L’Etat accorde aux acteurs individuels une marge de manœuvre relativement grande. Les effets sur l’économie sont positifs, et ce à trois niveaux : le changement structurel ne s’en trouve pas entravé, la main-d’œuvre est utilisée de manière optimale même lorsque le contexte économique change et le taux de chômage est bas grâce au jeu flexible de l’offre et de la demande. Et pourtant : pour la première fois depuis les années 1930, le chômage a considérablement augmenté du fait de la faible croissance en Suisse dans les années 1990 et le taux de chômage incompressible a progressé. Dans ce contexte, l’ouverture du marché du travail via la libre circulation des personnes avec l’UE s’est avérée être une étape radicale et courageuse. En même temps, cette ouverture a constitué le point de départ à une réglementation plus stricte au bas de l’échelle du marché du travail grâce aux mesures d’accompagnement.

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Suppression des contingents

Depuis 1991, le Conseil fédéral a tenté de mieux cibler la politique d’immigration en fonction des besoins du marché du travail au moyen du «modèle des trois cercles». Il rompait avec la politique de l’après-guerre appliquée aux travailleurs étrangers qui privilégiait l’admission de main-d’œuvre peu qualifiée et qui contribuait au maintien des structures existantes. Pourtant, entre 1995 et 2004, la Suisse a également connu un contingentement strict et un cloisonnement du marché du travail intérieur. Les restrictions liées au changement de système sans contingent (statut de saisonnier remplacé par une autorisation de séjour) ont eu pour conséquence que la part d’immigration contingentée sur le marché du travail était quasiment égale à 100 % au début des années 2000. Avec la signature de l’accord sur la libre circulation des personnes en 1999, le Conseil fédéral a mis un terme à cette politique d’immigration restrictive, visant avant tout à protéger la main-d’œuvre intérieure. Depuis la suppression de la priorité accordée aux travailleurs indigènes pour les 17 Etats de l’UE en 2004, puis des contingents en 2007, c’est le besoin en main-d’œuvre des entreprises qui est prioritaire et non plus le calcul politique pour la répartition des contingents d’immigration. L’incidence positive de l’abandon de la priorité des travailleurs indigènes sur le PIB par habitant montre à quel point cette dérégulation du marché du travail s’imposait. En fin de compte, les travailleurs peu ou moyennement qualifiés ont eux aussi profité de la libre circulation des personnes (cf. Bilatérales – what else ?).

Toujours est-il que, politiquement, la libre circulation des personnes devait aller de pair avec une stricte régulation du marché du travail par le biais de mesures d’accompagnement. Celles-ci prévoient essentiellement l’extension facilitée du champ d’application des conventions collectives de travail ainsi que la possibilité pour la Confédération et les cantons d’édicter des contrats-types de travail fixant des salaires minimaux. Dans les deux cas, des secteurs entiers ou des régions sont soumis à des conditions de travail uniformisées. Il s’agit là d’un glissement important vers un processus décisionnel collectiviste et les entreprises se retrouvent face à d’importantes charges administratives. La courbe de Beveridge illustre bien à quel point le marché du travail a perdu en souplesse ces dernières années (cf. graphique).

Retour aux années 1990 ?

Face à la menace d’abandonner la libre circulation des personnes, ces interventions sur le marché du travail ont quelque peu été reléguées au second plan, tandis que tous les regards sont à nouveau portés sur les seuils maximums et la priorité des travailleurs indigènes. Un retour en arrière pourrait être doublement douloureux si les mesures d’accompagnement continuaient de s’appliquer malgré l’abandon de la libre circulation des personnes. Les conséquences à long terme d’un marché du travail moins libéral seraient une augmentation du taux de chômage, associée à un manque accru de main-d’œuvre du fait d’une politique restrictive en matière d’immigration.

Plus d’informations à ce sujet dans notre publication «CH 1995 2035 – Tendances globales, défis nationaux, solutions libérales»