«Tages-Anzeiger» : Les communes ont de grandes difficultés à trouver un président de conseil communal ou un conseiller communal. A quel point la situation du système de milice est-elle préoccupante ?

Andreas Müller : L’édifice du système de milice s’effrite fortement. Les communes se voient périodiquement questionnées quant à leur système de milice et chaque nouveau sondage révèle qu’elles ont des difficultés à pourvoir leurs postes. Il faut se rendre compte : il y a, dans toute la Suisse, 100 000 postes de milice qui doivent en permanence être occupés dans les communes, les instances scolaires et les églises. Jusqu’à présent nous pouvions encore déjouer la crise du système de milice. Mais si cela continue au même rythme qu’au cours des précédentes années, il ne sera bientôt plus possible d’y remédier. Dès lors, une discussion de fond est nécessaire

Les fonctions de milice sont mal rémunérées

Les communes ont tendance à payer davantage leurs fonctionnaires que par le passé. Mais le problème n’est pas l’argent, c’est plutôt une question de temps. A l’heure actuelle, beaucoup de personnes sont plus sollicitées au travail qu’auparavant et ne peuvent pas s’engager en dehors. De plus, un poste communal n’a plus le même prestige qu’autrefois. Les politiciens de milice sont régulièrement critiqués – dès que les impôts doivent être augmentés, le président du conseil communal reçoit des e-mails incendiaires. C’est contre ce manque de respect à l’égard des officiels que l’on peut le moins agir.

Le système de milice en crise

Le système de milice en crise : le bâtiment de l’école et de la commune d’Hemishofen à Schaffhouse ne trouve pas de nouveau conseiller communal. (Wikimedia Commons)

Pour que les bureaux communaux soient mieux honorés, il faudrait que leur personnel en charge ait moins à travailler à côté.

Dans le canton de Lucerne, on emploie par exemple des gestionnaires à plein temps lesquels soutiennent les membres de l’exécutif qui travaillent pour la commune à titre d’activité accessoire. Cela peut toutefois mener à une professionnalisation rampante. C’est précisément cette personne n’ayant pas été élue qui devient alors l’homme fort ou la femme influente de la commune – parce qu’elle a une grande longueur d’avance en matière de connaissances par rapport aux élus.

Aujourd’hui les communes fusionnent car elles ne parviennent pas à pourvoir tous les postes.

A présent, cela constitue dans de nombreux cas une raison importante pour une fusion. Mais même lorsqu’une commune fusionne, cela ne veut pas nécessairement dire que le problème est résolu. Certain(e)s citoyennes et citoyens risquent de moins s’identifier avec la nouvelle commune résultant de la fusion et de ne plus s’engager. Une chose est sûre : si des petites communes veulent rester autonomes et se gouverner elles-mêmes, elles ont besoin de personnes qui s’engagent, en échange d’une rémunération symbolique, pour le bien commun.

En fin de compte, le manque de personnel provoque la disparition de petites communes.

Et pas seulement : sans système de milice, le fédéralisme et le principe de subsidiarité seraient également remis en cause. Leur principe est que les décisions peuvent être prises au niveau le plus bas de l’Etat et dans la plus petite unité, donc au plus proche des citoyennes et citoyens. Si les communes s’unissent en de plus grandes unités, cela n’est plus possible. Il y a aussi un lien avec la démocratie directe : le système de milice veille à ce que les citoyens ne se transforment pas en consommateurs de politique. Dans l’exécutif d’une commune, ils doivent par exemple chercher des solutions qui soient acceptables pour tous et doivent faire des compromis. Ils apprennent à parler sérieusement de politique. Le danger est ainsi moindre que la Suisse soit confrontée à une politique de slogans, de paroles et de campagnes coûteuses.

Y a-t-il une alternative au système de milice ?

Dans d’autres pays, la politique s’est professionnalisée. Une «classe politique» a émergé, une petite élite refermée sur elle-même et qui dicte la loi. Cela ne serait pas accepté en Suisse. Le système de milice empêche qu’une classe politique dominante n’émerge, car chaque politicien à temps partiel est également un citoyen et un acteur de l’économie. Une seule chose est indispensable : les citoyens doivent aussi vouloir être politiciens. Ils devraient, comme John F. Kennedy le disait, non pas se demander ce que l’Etat peut faire pour eux, mais plutôt ce qu’eux-mêmes peuvent faire pour l’Etat. Ainsi le capital social de la population serait rendu accessible. Or on ne peut en donner l’ordre.

Des cantons comme Uri le font.

Uri connaît l’obligation d’occuper un poste «Amtszwang». Beaucoup de ceux qui ont été contraints de prendre un poste sont toutefois moins motivés et se retirent souvent, dès lors qu’ils ont rempli leur obligation. Beaucoup de savoir est ainsi perdu.

Le système de milice peut-il encore être sauvé ?

Il existe diverses prévisions à ce sujet – certaines optimistes, d’autres plus pessimistes. Les transformations fondamentales de la société constituent un problème. Les personnes sont plus mobiles qu’autrefois. Beaucoup ne vivent plus là où elles ont grandi et se sentent moins attachées à leur commune de domicile. Les cités-dortoirs rencontrent déjà de grandes difficultés à trouver des politiciens de milice.

Que proposez-vous ?

De nombreuses réformes ont déjà été introduites, mais aucun renversement de tendance ne s’en dégage. Si la situation empire davantage, un service citoyen aurait alors une chance. L’idée d’Avenir Suisse consiste à ce que chaque citoyenne et citoyen doive faire quelque chose au cours de sa vie pour l’Etat. Cela peut être – comme jusqu’à présent – le service militaire ou le service civil. A la différence près qu’une fonction publique dans une commune pourrait également être reconnue comme faisant partie du service citoyen.

La version originale de cet entretien en allemand est parue dans le Tages-Anzeiger du 29 juin 2016.
Avec l’aimable autorisation de la rédaction.