Depuis deux décennies, la politique suisse s’efforce de transférer le transport de marchandises transalpin vers le rail afin de minimiser les effets néfastes du trafic de transit des poids lourds. La politique de transfert a été ancrée dans la Constitution par l’acceptation de l’Initiative des Alpes (1994) ainsi que dans les Accords bilatéraux par l’accord sur les transports terrestres (1999) avec l’UE.

Selon les dispositions de la loi sur le transfert, le nombre de courses en transit actuellement de plus d’1 million de poids lourds doit être réduit à 650 000. Cette valeur devrait être atteinte en l’espace de deux ans après l’ouverture du tunnel de base du Gothard, donc jusqu’à fin 2018. Pour ce faire, une série de mesures ambitieuses ont été mises en œuvre depuis le changement de millénaire. Parmi elles :

  • l’expansion de l’infrastructure ferroviaire (p. ex. le programme «Rail 2000»),
  • l’ouverture du fret ferroviaire à la concurrence (1999),
  • l’introduction de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations RPLP (2001),
  • l’augmentation de la limite de poids pour les poids lourds de 28 à 40 tonnes (2005) et
  • la construction du tunnel NLFA au Lötschberg (2007) et au Gothard (2016).

Au premier coup d’œil, le remède semble faire effet. Premièrement, plus de deux tiers (68%) des volumes de marchandises transalpins ont été transportés sur le rail en Suisse, alors que c’était le cas pour moins d’un tiers en Autriche (28%) et un huitième en France (15%). Deuxièmement, la tendance s’est renversée pour le transit de poids lourds : alors qu’entre 1981 et 2000 le nombre de courses de transit a plus que quadruplé, celui-ci a reculé depuis de 1,4 à un peu plus d’1 million par année. Troisièmement, les volumes de transit sur les lignes ferroviaires suisses ont augmenté de 20,6 millions (2000) à 26,2 millions de tonnes (2014) (voir Fig. 1).

Volumes de transports_670px

Jusqu’à présent il n’y pas eu de transfert effectif

Cependant, en y regardant de plus près les succès de la politique de transfert sont faibles. La majeure partie de la diminution du trafic de transit est due à l’utilisation de plus gros camions avec l’augmentation de la limite de poids de 28 à 40 tonnes. En revanche, les volumes de marchandises transportés par la route ont continué à croître significativement. Le transfert des parts de marché en faveur du rail – donc au transfert effectif – n’a pas non plus eu lieu. Au contraire : la part du rail dans le trafic de transit s’est réduit dans les vingt dernières années de 74% (1994) à 68% (2014). En 1980, la part de marché du rail dans le trafic de transit en Suisse se situait encore à 94% !

Part du trafic total_670px

L’effet restreint des mesures de la politique de transfert appliquées jusqu’à maintenant se voit sur le tracé de la courbe rouge de la figure 2 : ni la libéralisation du trafic ferroviaire (1999), ni l’introduction de la RPLP (2001), l’augmentation de la limite de poids des camions (2005) ou l’ouverture du tunnel du Lötschberg (2007), n’ont provoqué de pic net sur la courbe représentant la part du rail au trafic de marchandises en transit à travers la Suisse. La part de marché du rail au transport de marchandises transalpin augmente certes à nouveau légèrement depuis 2009, mais il y a eu une évolution semblable en Autriche – et ceci sans une politique de transfert aussi résolue.

Un test important du succès de la politique suisse en matière de transports réside dans la mise en activité du tunnel de base du Gothard à la fin 2016. Les années qui suivront montreront si le rail peut récupérer des parts de marché supplémentaires dans le trafic de transit.