Le Conseil fédéral a récemment approuvé le rapport «Politique de croissance 2016-2019», qui repose sur trois piliers : la productivité du travail, la résilience de l’économie et la productivité des ressources. Il vise à relancer la croissance à l’aide de 14 mesures, qui vont de l’allégement administratif et une meilleure réglementation pour les entreprises, la facilitation des importations, la garantie d’un accès au marché à travers le maintien et le développement du dispositif conventionnel bilatéral à l’utilisation du potentiel de l’économie numérique.

Le rapport n’a pas provoqué de grandes réactions en politique ou au sein de l’opinion publique ; en fait, il est pratiquement passé inaperçu. C’est regrettable à un double égard. Au vu de l’incertitude et des risques du système économique mondial, la Suisse doit non seulement plus que jamais être capable d’utiliser de manière optimale les opportunités de croissance au niveau national. De plus, il s’agit également d’une analyse complète et solide du développement économique et politico-économique le plus récent de la Suisse et constituerait dès lors une bonne base pour une politique économique orientée vers l’avenir et les solutions. D’où vient le fait que la Suisse s’intéresse davantage à des initiatives nébuleuses qu’à une politique de croissance judicieuse ?

Où se situent les problèmes des rapports de croissance ?

Pour que la politique de croissance soit couronnée de succès, il faut une vision stratégique claire et un impact politique (image: Fotolia)

Pour que la politique de croissance soit couronnée de succès, il faut une vision stratégique claire et un impact politique (image: Fotolia)

Entre-temps, l’opinion publique semble s’être habituée à ces rapports périodiques. Les propositions de réformes les plus récentes suivent les trains de mesures en faveur de la croissance de 2004, 2008 et 2011 et reposent sur le rapport de base de 2002 au niveau conceptuel. L’attrait de la nouveauté a disparu et c’est peut-être là une raison qui explique que l’importance de ces rapports ait constamment baissé au fil du temps. A quoi cela peut-il tenir ?

  1. Premièrement, de grands résultats visibles voire des progrès rapides en matière de politique économique font défaut. Ainsi, bien que l’allégement administratif pour les entreprises ait par exemple fait partie dès le début des secteurs d‘activités centraux, aucun allégement significatif ne s’est produit pour l’économie jusqu’à présent. Cela ne plaide pas en faveur de l’efficacité des rapports du Conseil fédéral.
  2. Deuxièmement, la réforme de l’imposition des entreprises III de la Suisse a pratiquement été imposée de l’extérieur. Ce qui a inévitablement mené à ce que la vision initiale d’un système fiscal simple et modéré, qui élimine «les distorsions dans l’imposition des investissements en fonction du mode de financement des entreprises» passe à l’arrière-plan. Cela ouvre la voie à la conception erronée suivant laquelle – à l’ère de la globalisation – une politique fiscale et financière axée sur les priorités nationales serait moins importante que l’acceptation internationale de la législation fiscale.
  3. Troisièmement, le rapport aborde dès le début en priorité la question de la productivité du travail à la traine par rapport à l’étranger dans les domaines de l’économie nationale et plaide à juste titre pour davantage d’efficacité et de concurrence. En revanche, le secteur étatique et proche de l’Etat (administration, santé, formation, service public), à qui la part du lion est revenue au cours des 25 dernières années en termes de croissance de l’emploi, reste largement exclu. C’est grave dans la mesure où la productivité ne peut pas, ou pratiquement pas, être mesurée. Ainsi, les prix sont plus élevés en Suisse non seulement pour l’alimentation, les cosmétiques, le logement etc., mais aussi pour les biens et prestations de l’Etat. L’Etat est dans les faits le plus grand facteur d’augmentation des prix (Gerhard Schwarz: Der Staat als Preistreiber, NZZ, 30 août 2014). C’est pourquoi les coûts et les avantages des dépenses de l’Etat doivent toujours être réexaminés, afin que les deniers publics ne se retrouvent pas dans un appareil étatique inefficace.
  4. Quatrièmement, le Conseil fédéral s’est malheureusement bien trop souvent écarté des prescriptions initiales courageuses et a choisi des variantes plus souples (p. ex. lors de la révision de l’AVS ou pour le service public). Dans ce contexte, on peut avoir le sentiment qu’au niveau de l’administration fédérale, personne ne se soucie énormément de la consistance de la politique de croissance, car les différents départements ne s’engagent pas facilement, avec un corset contraignant en matière de politique de croissance. En fin de compte, le Parlement n’a dès le début pas accordé à la politique de croissance la place qu’elle aurait en principe méritée. Soit il a simplement ignoré les prescriptions de politique de croissance (p. ex. un taux unique de TVA) ou les a fortement édulcorées (Cassis de Dijon). La politique semble davantage chercher refuge dans des initiatives ou des référendums. Il est difficile d’expliquer autrement la «tempête de grêle des initiatives populaires nuisibles qui s’est abattue sur la place économique suisse» (Kaspar Villiger).

Nouvel élan de réforme

La politique de croissance ne doit pas se résumer à la rédaction routinière de rapports. Elle devrait au contraire donner un second souffle à l’élan de réforme qui faiblit. C’est pourquoi, la politique de croissance est une affaire de chef, il s’agit d’une politique centrale de promotion de la place économique pour la Suisse. A l’ère de la globalisation, la taille d’un pays n’est pas une condition nécessaire au succès économique. Pour y arriver, il ne faut pas seulement une politique extérieure qui a été coordonnée habilement avec la politique économique, mais aussi une vision stratégique claire et un impact politique. C’est principalement au Conseil fédéral d’en assumer la responsabilité.