Selon les dires du Président de la Commission, Jean-Claude Juncker, le nouvel exécutif – à la différence des précédentes Commissions – ferait davantage office d’«autorité politique que bureaucratique». Compte tenu de la situation problématique, il s’agirait de saisir la «dernière chance» afin de concevoir l’UE dans une perspective d’avenir. Entre-temps, les instances dirigeantes de l’UE ont été rattrapées par les développements avec le Non des Pays-Bas à l’accord d’association UE-Ukraine, puis le vote récent sur le Brexit. Dans ce contexte, le document de réforme mentionné ainsi que le document de travail «Mehr Subsidiarität statt falscher Solidarität» (seulement en allemand) datant de novembre 2014 redeviennent d’actualité, puisqu’une partie du débat qui a été initié maintenant y est anticipée.

Besoin de réforme et possibilités d’action

Où Avenir Suisse et ses partenaires ont-ils identifié un besoin de réforme et des possibilités d’action ? Le point de départ est le comportement de l’UE en situation de crise jusqu’à maintenant. Deux constantes s’y manifestent. Premièrement, on tente d’éviter autant que possible des modifications du droit primaire (traité de l’UE), car celles-ci prennent trop de temps et sont associées à beaucoup d’incertitudes, en raison du processus d’approbation de tous les membres. Deuxièmement, l’UE évolue dans une tension permanente entre deux pôles : d’une part, l’approfondissement de l’intégration avec une union fiscale et une sorte de gouvernement économique et, d’autre part, la stabilisation de Maastricht et de l’union monétaire avec une responsabilité personnelle explicite des pays membres pour leurs dettes.

La mise en place d’une union fiscale avec un gouvernement économique européen ne semble pas réaliste dans un proche avenir. Le renforcement de Maastricht et de l’union monétaire avec une union bancaire est certes sur les rails, mais la mise en œuvre se révèle compliquée, compte tenu des intérêts nationaux croissants. A court terme, la question de savoir si une concentration sur le marché intérieur ainsi qu’une flexibilité plus grande (voire une marche arrière) par rapport à l’intégration politique s’inscriront dans l’agenda post-Brexit reste ouverte. Car l’UE se retrouve face à un dilemme avec cette question également: si elle donne des signaux pour davantage de flexibilité, cela pourrait renforcer à court terme les forces centrifuges existantes dans la situation de confusion actuelle et conduire à une dynamique incontrôlable, qui n’est dans l’intérêt de personne. Toutefois, une intégration forcée du reste de l’UE apparaît comme une voie tout aussi risquée, compte tenu des césures qui se sont produites. Dans ces conditions, quelles options d’action restent encore ouvertes pour l’UE ? Elle dispose, après tout, d’un cadre juridique d’action et d’outils permettant la mise en œuvre d’une politique à géométrie variable, ou alors de subsidiarité. Les deux doivent cependant être introduites dans une perspective sur le long terme et de manière prudente.

(Wikimedia Commons)

La sortie du Royaume-Uni de l’UE exprime une grande déception (image : Wikimedia Commons)

Le Brexit sollicite les deux parties

Alors que du côté britannique les conséquences économiques du retrait du Royaume-Uni de l’UE figurent au premier plan, du côté de l’UE il est davantage question des problèmes fondamentaux de réforme et de la future architecture institutionnelle. Bien sûr, l’incertitude qui persiste quant aux prochaines étapes dans les relations entre l’UE et le Royaume-Uni continuera de peser sur les perspectives conjoncturelles britanniques. La relance du Commonwealth espérée par certains des partisans du Brexit semble plutôt passéiste et ne parviendrait pas à remplacer, si d’aventure elle venait à se concrétiser, le ralentissement des relations commerciales, compte tenu des distances énormes. Malgré cela, des opportunités pourraient se créer sur le long terme pour la Grande-Bretagne, si elle parvenait à renforcer durablement les facteurs de croissance par le biais d’une bonne politique économique. Cependant les positions politico-économiques de la nouvelle première ministre ne semblent pas indiquer cette direction.

Des promesses de croissance non tenues de Lisbonne

La sortie du Royaume-Uni exprime une déception vis-à-vis de la faible croissance économique, du chômage élevé et de la pression économique constante sur la classe moyenne. L’UE a certainement une part de responsabilité à ce climat ambiant, surtout lorsque l’on se rappelle des promesses de croissance non tenues de Lisbonne. Néanmoins, il est trop simple d’imputer la faute à l’UE uniquement : la faiblesse de la croissance est globale, ses causes sont controversées. La désillusion de la classe moyenne est également un phénomène mondial, lié à l’évolution technologique et ses conséquences sur les marchés du travail. Enfin, la part «faite maison» de ces problèmes est sous-estimée dans chacun des pays, d’autant plus lorsque l’on peut prendre Bruxelles comme bouc émissaire.

La confiance et la crédibilité sont décisives

Malgré tout il ne faut pas omettre le fait que, dans les pays européens, beaucoup de personnes sont anxieuses. L’avenir de l’idée européenne et le succès du développement futur de l’UE dépendent de façon décisive de la gestion de la question de la migration. De plus, les défauts de conception de la monnaie commune sont devenus visibles dans le cadre de la crise de l’euro. Pour que l’UE se stabilise à nouveau, des concepts comme le respect des règles, la subsidiarité et la solidarité devraient reposer sur des contenus tangibles. Leur caractère arbitraire ne peut pas être le moteur pour plus d’intégration européenne. La volonté politique d’appliquer de manière cohérente le système de règles existant, qui permet à vrai dire une flexibilité suffisante, est par conséquent décisive. C’est uniquement ainsi que la confiance en la capacité d’agir des décideurs peut être regagnée.

En même temps, le pragmatisme est indiqué au cours des négociations à venir avec la Grande-Bretagne. Pour que la Grèce reste dans la zone euro de nombreux principes nécessaires au fonctionnement de l’union monétaire ont été fortement écornés. Au lieu de vouloir à présent faire de la Grande-Bretagne un exemple, dans la foulée des négociations de sa sortie de l’UE, une approche pragmatique et objective est requise afin d’atteindre les objectifs et de soutenir le développement futur de l’Europe. Nous verrons dans les mois et les années à venir si le processus d’intégration européen a atteint ou non son point culminant.

Plus d’informations au sujet du Brexit: Spiegel Online: Schweizer Referendum: Folgt auf den Brexit der Schwexit?

Publication : «The Future of European Integration: A Reform Call» (Avenir Suisse, Tüsaid, Thinktank Centre)

Publication : Mehr Subsidiarität statt falscher Solidarität (Alois Bischofsberger, Samuel Rutz, Rudolf Walser)

Le prochain blog sur ce sujet abordera d’autres possibilités de réforme.