L’immigration en Suisse, qui reste importante, préoccupe la population. Plus de deux tiers des immigrés viennent de l’UE. C’est la raison pour laquelle la Suisse a insisté sur les mesures de protection lors des négociations bilatérales. L’accord conclu avec l’UE permet à la Suisse de restreindre temporairement l’immigration en cas de graves problèmes économiques. Il appartient désormais au Conseil fédéral de concrétiser la clause de sauvegarde.
L’organisation de la clause de sauvegarde ne sera pas seulement décisive pour l’acceptation des accords bilatéraux. Elle devrait également influencer la campagne de votation sur l’initiative de l’UDC contre une Suisse à 10 millions d’habitants. Une protection crédible contre une immigration incontrôlée pourrait couper l’herbe sous le pied de l’initiative, c’est du moins ce que l’on espère.
Malgré l’importance accordée à la clause de sauvegarde, son efficacité reste discutable. Cela s’explique d’une part par le cadre très strict dans lequel la clause de sauvegarde peut être activée. D’autre part, la clause de sauvegarde n’est pas un instrument de contrôle optimal, même lorsqu’elle est conçue de manière efficace : si elle est activée régulièrement, une course s’engage entre les entreprises et les immigrants potentiels, avec pour objectif d’immigrer le plus tôt possible avant que la clause de sauvegarde ne soit activée.
Si les mesures tardent à entrer en vigueur, elles pourraient déjà être dépassées. Si elles s’avèrent réellement efficaces, des effets de rattrapage sont probables par la suite. Résultat : une alternance constante entre des années où l’immigration est supérieure à la moyenne et d’autres plus restreintes. Ce système de «stop and go» ne réduira probablement pas fortement l’immigration, mais plutôt créer une incertitude en matière de planification pour les entreprises, selon la manière dont il est conçu.
En revanche, un contrôle continu de l’immigration, par exemple au moyen d’une taxe d’incitation par immigrant, provoquerait moins de désordre. Un tel frein permanent n’est toutefois pas compatible avec les accords bilatéraux.
Reste donc la clause de sauvegarde. L’accord avec l’UE permet tout de même à la Suisse de régler les détails de manière autonome dans la loi sur les étrangers. Il s’agit d’utiliser cette marge de manœuvre de manière intelligente afin d’éviter au mieux les effets secondaires négatifs de la clause de sauvegarde. Concrètement, à quoi faut-il faire attention ?
Des taxes d’incitation plutôt que des contingents
Jusqu’à présent, l’immigration n’est pas à l’origine de problèmes économiques directs, tels que le chômage, dans notre pays. Les véritables défis sont plutôt liés à des «effets de saturation», par exemple la surcharge des ressources naturelles ou des infrastructures existantes, en raison de la croissance rapide de la population.
Les critères pour la mise en œuvre de la clause de sauvegarde devraient donc viser une croissance démographique durable. A cet égard, l’immigration nette ainsi que l’évolution démographique à l’intérieur du pays sont avant tout déterminantes. En revanche, les mouvements migratoires dans d’autres parties de l’Europe ne sont pas pertinents.
Si la clause de sauvegarde est activée, elle devrait miser sur des taxes d’incitation peu bureaucratiques, c’est-à-dire sur une taxe par habitant payée par les immigrés ou, le cas échéant, par les entreprises qui les emploient.
Il faut en revanche renoncer aux plafonds et aux contingents. Une limitation quantitative est sujette au lobbying, entraîne une charge administrative considérable et crée des risques de planification, en particulier pour les PME et les start-ups. Des expériences que la Suisse a suffisamment faites par le passé et qu’elle ne devrait pas répéter.
Il ne faut toutefois pas se faire d’illusions : si la clause de sauvegarde ne sert pas uniquement à calmer les milieux politiques, son activation entraînera inévitablement des conflits avec l’UE. Ainsi, la Suisse ne pourra pas prouver qu’elle a de sérieux problèmes économiques.
Si la Suisse s’engage dans une confrontation, elle bénéficie du fait que l’accord négocié contient des règles claires sur la manière de procéder et sur d’éventuelles mesures de compensation. Il s’agit d’une amélioration de la situation par rapport au statu quo.
En cas de conflit politique, la clause de sauvegarde devrait alors atteindre au mieux l’effet escompté. Dans le cas contraire, la simple libre circulation des personnes avec l’UE reste le système le plus stable et le plus avantageux pour l’économie.
Cet article a été publié (en allemand) le 30 janvier 2025 dans les journaux de CH-Media.