L’analyse a suscité de nombreux commentaires, parfois virulents, parmi les lecteurs des médias suisses et des milieux politiques. Ci-après, nous répondons et classons six réactions fréquentes publiées sur les portails en ligne et dans les journaux.
Sur le «démantèlement» du service public
- «L’idée d’Avenir Suisse est un démantèlement et une privatisation du service public. Et nous savons déjà comment cela se terminera».
Nous savons ce qui se passera si les politiques ne réagissent pas, car la demande de services postaux a fondamentalement changé depuis le début du siècle. Le fait que nous recevions de moins en moins de lettres, que nous effectuions des paiements en ligne et que nous ne nous rendions plus que rarement dans les filiales devrait également se refléter dans les exigences imposées au service public. Pourquoi le facteur doit-il encore faire sa tournée cinq ou même six fois par semaine si, dans quelques années, nous ne recevrons plus que deux lettres par semaine ? Trois ou deux distributions ne suffiront-elles pas, comme dans d’autres pays ?
Le problème, c’est que les obligations de service public n’ont pas été adaptées depuis de nombreuses années, et qu’elles ont même été étendues. Il devient donc de plus en plus coûteux de les remplir. Actuellement, cela coûte 360 millions de francs par an. Il est donc clair que si le monde politique persiste dans ses exigences actuelles, la Poste aura besoin de subventions.
- « Par ‘directives politiques dépassées’, Avenir Suisse entend le service public qui doit encore garantir certaines prestations même dans les régions peu peuplées».
Bien entendu, la Poste doit continuer à couvrir les régions périphériques. C’est justement la raison d’être d’un service public : veiller à une qualité satisfaisante sur l’ensemble du territoire. Mais la Poste doit être plus libre dans la manière dont elle fournit ce service public. Selon la Confédération, 300 filiales classiques suffiraient. En effet, le service public peut aujourd’hui également être assuré grâce à de nouvelles offres attrayantes, mentionnées ci-dessous.
Sur la stratégie de la Poste
- «Ce qui est nécessaire maintenant, c’est avant tout de promouvoir des solutions innovantes. Il s’agit notamment de stations de colis, de l’intégration de services postaux chez des partenaires comme Volg, qui existent aussi dans des régions éloignées, ainsi que d’un développement du service à domicile. En d’autres termes, la Poste doit adapter son rôle à notre époque. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons continuer à en être fiers.»
Cette réaction résume bien les innovations ciblées que la Poste a impulsées ces dernières années. Elles s’intègrent parfaitement à son activité principale et répondent aux besoins des clients. Ainsi, il n’est souvent plus nécessaire d’avoir ses propres filiales coûteuses, des stations de colis peuvent suffire ou un détaillant peut également traiter des services postaux. En Suisse, 517 000 foyers profitent déjà du service à domicile que l’on peut commander via une application. Avec de telles offres, la Poste est donc sur la bonne voie.
Mais récemment, elle a également acheté plusieurs entreprises numériques dans des domaines qui n’ont rien à voir avec la logistique (cybersécurité, logiciels d’entreprise, services cloud). Il faut mettre fin à cette expansion. La Poste y empiète sur le terrain d’entreprises privées, alors qu’il n’y a pas de «défaillance du marché» qui pourrait justifier une activité étatique.
Sur le financement et l’organisation du marché
- «Je ne vois pas comment, dans un marché libre, ce qu’il resterait de la Poste pourrait être financé».
Dans divers domaines, le marché met à disposition une offre couvrant l’ensemble du territoire, sans aucune directive de l’Etat. L’exemple classique est l’approvisionnement en denrées alimentaires. La Deutsche Post ou Swisscom remplissent également une mission de service universel sans être indemnisées par l’Etat. Elles génèrent les ressources nécessaires dans un cadre concurrentiel. La Poste Suisse ne reçoit jusqu’à présent aucune indemnisation, mais elle profite toujours d’un monopole résiduel pour les lettres jusqu’à 50 grammes. Ces recettes issues du monopole de la Poste masquent les coûts réels du service public, car la Poste se trouve ainsi dans une meilleure situation financière que si elle n’en bénéficiait pas. On entretient ainsi la fiction selon laquelle la Poste pourrait financer à long terme la variante actuelle du service public par ses propres moyens.
- «A mon avis, il aurait fallu laisser toute l’infrastructure des PTT à la Confédération».
En 1998, les PTT ont été scindés en deux entreprises : Swisscom et la Poste Suisse. La concurrence dans le secteur des télécommunications a entraîné une baisse massive des prix. En 1990, un appel de dix minutes vers les Etats-Unis coûtait encore 20 francs. En 1999, peu après la libéralisation, il ne coûtait déjà plus que 5 francs (et aujourd’hui, avec le Wi-Fi, il est souvent presque gratuit, car inclus dans le forfait). La libéralisation et la privatisation (partielle) ont donc permis aux consommateurs de réaliser de grandes économies et d’améliorer considérablement la qualité. Dans le domaine postal, il y a encore du retard à rattraper, raison pour laquelle il faudrait supprimer le monopole résiduel de la Poste.
- «Forcément, cela ressemble à un magasin général unique en son genre, tiraillé par plusieurs intérêts et domaines».
Voilà qui résume bien la situation actuelle. C’est pourquoi notre dernière étude «En avant, la Poste !» demande que la Poste se concentre sur ce dans quoi elle est «leader mondial» selon l’Union postale universelle : le transport physique d’informations et de marchandises. Dans le secteur privé, il n’existe d’ailleurs pratiquement plus de grands conglomérats : ABB, General Electric, Philips ou Siemens se sont tous scindés et ont rendu certaines de leurs divisions autonomes. Et pour cause : la gestion d’un conglomérat est trop complexe et les avantages d’une large diversification sont limités, voire souvent inexistants. Il n’existe ainsi aucune synergie entre les services bancaires et la logistique du courrier.