L’Euro 2024 est lancé depuis vendredi dernier. Lors du match d’ouverture, l’Allemagne a battu l’Ecosse 5 à 1. Mais pour le pays organisateur, les enjeux dépassent les résultats sportifs. Le championnat d’Europe de football et les JO de Paris font partie des méga-événements, où des milliards sont en jeu et où la politique est donc toujours présente. Raison de plus de respecter les cinq principes économiques.
1. Le manque de connaissances coûte cher. Le choix des méga-événements est souvent le résultat d’une procédure de candidature complexe. D’un côté, il y a une fédération sportive internationale, de l’autre, les lieux d’accueil potentiels. Pour ces dernières, l’ensemble du processus est généralement unilatéral, c’est pour cela que l’on parle d’asymétrie de l’information : les lieux d’accueil ont moins de connaissances sur les conditions-cadres d’un tel événement sportif que les fédérations sportives internationales.
C’est notamment en raison de ce déficit de connaissances que les sites d’accueil sous-estiment assez souvent les coûts et finissent par enregistrer des déficits importants. Par exemple, les coûts des JO de Londres en 2012 ont été estimés à 2,4 milliards de livres sterling lors de la candidature en 2005, mais deux ans plus tard, le chiffrage a été revu pour grimper à 9,3 milliards. Ce problème est difficilement contournable. Idéalement, il faudrait miser sur des événements récurrents de grande envergure, de telle sorte que les connaissances institutionnelles puissent être développées. Par exemple, la Coupe du monde de ski à Adelboden ou le Forum économique mondial à Davos.
2. Les avantages et les inconvénients sont difficiles à saisir. Le problème du manque de connaissances lors de la candidature à un méga-événement est aggravé par le fait que les avantages sont généralement flous. Economiquement, les arguments mis en avant par les partisans de ces grands moments sont généralement difficiles à quantifier. Il s’agit d’externalités positives, telles que l’amélioration de l’image du pays hôte ou le renforcement de la cohésion nationale. Ainsi, certains se souviennent encore de la Coupe du monde de football 2006 en Allemagne comme un conte d’été. L’Exposition nationale suisse de 1939 est considérée comme le point culminant de la défense spirituelle du pays proclamée à l’époque.
Outre ces effets difficiles à saisir, il existe également des conséquences concrètes. Les grands événements sont généralement positifs pour l’hôtellerie, la restauration et le secteur du bâtiment d’une région. Mais il y a aussi des effets externes négatifs. A Zurich, par exemple, l’organisation des championnats du monde de cyclisme cet automne fait l’objet de discussions animées. «Bruit, bousculade et mauvaises odeurs» a titré la NZZ. Pour les riverains et les commerçants, les grands événements entrainent leur lot de restrictions. Un équilibre entre les différents intérêts est nécessaire, ce qui nous amène au principe suivant.
3. Le contribuable ne fait pas de lobbyisme. Comme pour la politique industrielle ou les subventions touristiques, le principe est le même pour les méga-événements : les gagnants d’une mesure étatique représentent un groupe moins nombreux que l’ensemble des contribuables. Ils peuvent ainsi mieux s’organiser, ce qui entraîne une asymétrie dans le processus politique. Il en résulte des dépenses publiques élevées et inefficaces. Les institutions de démocratie directe constituent un mécanisme de protection contre de telles distorsions. Les votations de 2013, 2017 et 2018 en Valais et dans les Grisons sur l’organisation des JO l’ont montré.
4. Un seul événement coûte cher. En parlant de coûts, les événements qui n’ont lieu qu’une fois et nécessitent une nouvelle infrastructure sont très coûteux. Les Jeux olympiques en sont l’exemple le plus frappant. A Athènes, les JO de 2004 ont coûté plus du double des 4,5 milliards d’euros prévus au budget et ont contribué à la crise de la dette grecque. Lorsqu’un tel événement est organisé, il convient donc d’utiliser autant que possible les infrastructures existantes. D’un point de vue économique, il est encore préférable d’organiser un événement à plusieurs reprises avec la même infrastructure, afin de profiter d’économies d’échelle sur la durée.
5. Etudier les alternatives. Ceux qui auront lu tous les principes énoncés jusqu’ici se posent sans doute une dernière question : les fonds publics alloués à un méga-événement ne pourraient-ils pas être mieux utilisés ailleurs ? Le principe des coûts d’opportunité est particulièrement important à une époque où les finances publiques sont tendues. Les ressources allouées à l’Euro 2024 et aux JO auraient pu être utilisées pour la défense nationale, les réductions d’impôts ou l’éducation. C’est d’autant plus vrai que plusieurs études attestent d’un rapport coûts/bénéfices négatif des méga-événements pour l’économie dans son ensemble. En fin de compte, panem et circenses (du pain et des jeux) est peut-être une expression courante en politique, mais certainement pas en économie.
Cet article a été publié le 16 juin 2024 dans la NZZ.