Jusqu’au début de la crise financière de 2007, une loi implacable faisait autorité chez les économistes : le volume du commerce international augmente deux fois plus rapidement que le Produit intérieur brut (PIB) réel mondial sur une période plus longue (Deutsche Bundesbank, Janvier 2015). L’élasticité du commerce international face aux performances économiques mondiales se chiffre par conséquent à deux. Depuis lors, l’expansion du commerce international a nettement ralenti, et partout les économistes spéculent sur les raisons de ce fléchissement. Sur ce point-là, on ne s’intéressera pas aux difficiles questions méthodiques et statistiques, qu’il faut résoudre pour le calcul du PIB mondial ou l’apurement des différences de pouvoir d’achat, mais davantage aux causes structurelles ou cycliques qui expliquent l’affaiblissement de la dynamique du commerce international.

Des perspectives modérées à court et moyen terme

La dynamique conjoncturelle divergente dans chaque pays/région fait partie des facteurs cycliques ayant des effets sur le commerce international. On constate donc que les facteurs de croissance mondiale se sont récemment déplacés vers les pays industrialisés – surtout les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et une partie de la zone euro. En raison de la transition démographique et d’une dette publique élevée, le Japon se trouve toujours dans une situation particulière. Dans les pays émergents (surtout en Chine et dans les pays exportateurs de matières premières), la croissance continue à être faible.

Au vu du niveau d’endettement élevé et de la compétitivité insuffisante, il est toutefois difficile de prévoir si la baisse de progression de la croissance persistera dans le temps. Dans ce contexte, les défis économiques liés à l’afflux de réfugiés, qui se répartissent de manière très différenciée entre les pays et régions, jouent aussi un rôle. Enfin, les perspectives à court terme sont aussi influencées par les différentes orientations prises en matière de politique monétaire dans les pays industrialisés.

Reste à déterminer de quelle manière l’abandon de la politique de taux d’intérêt bas pourrait freiner la conjoncture. Une normalisation du niveau des taux d’intérêt aurait aussi des effets sur le service de la dette des Etats, entreprises et particuliers. De plus, les événements qui se produisent sur le marché des devises et la stabilité financière mondiale dépendent de la politique monétaire. Au vu de ces éléments, tout porte à croire qu’il faut s’attendre à un développement modéré de l’économie à court et moyen terme.

Des incertitudes planent aussi sur le long terme

Dans la catégorie des incertitudes structurelles, il faut prendre en compte un possible accroissement du protectionnisme, un déclin dans l’expansion des chaînes de création de valeur ou encore l’importance croissante du commerce des services. Selon le 18ème rapport du Global Trade Alert de novembre 2015, les pays ont eu recours à 539 mesures de restrictions commerciales en 2015, soit le double de 2009. A cette époque, les chefs d’Etat et de gouvernement du G-20 félicitaient solennellement les pays industrialisés et émergents de garantir un commerce international libre. Dans le même temps, la lenteur dans le déroulement des discussions en vue de la conclusion du Cycle de Doha dans le cadre de l’OMC se profile comme un oiseau de mauvais augure pour une libéralisation étendue du commerce international.

Le développement des chaînes de création de valeur mondiales a été à son apogée dans les années 1990, avec l’intégration des pays émergents dans le commerce international ainsi que l’intensification du commerce des produits intermédiaires qui en a suivi. Aujourd’hui, le commerce international réagit ainsi de manière bien plus sensible aux chocs de la demande qu’auparavant. Il est possible qu’après cette fébrile première phase de développement, on assiste à une certaine normalisation de la situation. C’est en tout cas ce sur quoi comptent le FMI et la Banque centrale européenne avec un ralentissement de la croissance des chaînes de création de valeur.

Le secteur des services est bien moins intégré internationalement que le secteur des biens. Bien qu’il contribue à près de 70% de la production mondiale, il ne participe au commerce international qu’à hauteur d’un quart. Même dans la zone euro, très avancée économiquement parlant, la part des services transfrontaliers n’a pas augmenté (Deutsche Bundesbank, 2015).

Tous ces développements et indices tendent à démontrer qu’à l’avenir, il faudra de moins en moins compter sur la dynamique de commerce mondial qui avait court jusqu’il y a encore peu. L’élasticité du commerce international par rapport à la production sera instable (Sachverständigenrat, 2015). De plus, si la thèse d’une «stagnation séculière» généralisée devait se produire, comme de célèbres économistes américains l’ont prévu, l’économie mondiale se retrouverait face à un tournant historique.

Les conséquences pour la Suisse

Que signifie tout cela pour la Suisse ? Elle doit maintenant s’adapter encore plus rapidement à un monde plus complexe, plus incertain et en constante mutation. Cela exige l’existence d’une place économique de premier ordre, basée sur un cadre réglementaire fiable, favorisant les investissements et la production, afin de bénéficier au moins dans notre propre pays de conditions stables.