Chantal Tauxe est diplômée en lettres des universités de Lausanne et Neuchâtel. Depuis 1986, elle est journaliste et écrit pour les quotidiens 24 Heures, L’Illustré et le Matin, dans les rubriques «Économie» et «Politique». Depuis 2009, Chantal Tauxe est rédactrice en chef adjointe de L’Hebdo. Au Mont-Pèlerin, elle a illustré son point de vue en tant que représentante de la presse écrite.

Les milieux politiques ont décrété que la classe moyenne était tondue. Cette catégorisation est issue du sentiment de désenchantement général après les «trente glorieuses». Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la classe moyenne permet les retrouvailles entre les riches et les pauvres. Au moyen de la mise en place de réformes, les autorités promettaient un avenir meilleur.

Aujourd’hui, les statistiques démentent le sentiment dominant qui prétend que la classe moyenne vit plus mal que jadis. La baisse du niveau de vie tient donc d’une perception subjective. Toutefois, l’opinion est confrontée aux discours des promesses non tenues. Il convient de se rappeler qu’en France un Chirac s’était fait élire «au nom de la fracture sociale», qu’un Sarkozy a fait campagne sur le slogan «je travaille pour la France qui bosse et se lève tôt».

Depuis quatre ans, l’environnement est marqué uniquement par la crise. Pas étonnant dès lors que la classe moyenne se voit comme une forteresse assiégée. Pourtant, considérer que la génération actuelle des jeunes serait sacrifiée apparaît insupportable. C’est oublier ce que signifiait avoir 20 ans en 1914 ou en 1940! Autrement dit, la mémoire de la précarité des générations antérieures s’émousse. L’impression de vivre des améliorations matérielles substantielles obtenues depuis trois générations s’est émoussée: les progrès ne sont plus perçus, ils sont tout au plus ressentis comme de simples mises à niveau (non sans corrélation avec les standards imposés par l’industrie informatique).

L’absence de promesses en faveur des classes moyennes aboutit à un sentiment général de menace. Dans ce contexte, la grande identification avec les indignés ne manque pas de piquant. Les années «fric», l’enrichissement par la Bourse de certains, la dérive financière, le sentiment de passer pour un tondu, si l’on n’a pas réussi à bénéficier de niches fiscale, tout cela concourt à ce mauvais climat. Il est étonnant d’observer à quel point la presse «people» (qui met en scène les riches et célèbres) prospère en dépit des dérives de la finance, qu’il est devenu un lieu commun de condamner. Pourtant, les médias auraient la mission de se montrer critiques. Mais ils sont les archétypes même de la classe moyenne et sont, avec la crise de la presse, parmi les plus précarisés, au même titre d’ailleurs que les milieux académiques. Difficile dès lors pour eux de porter la vision d’une classe moyenne enchantée.

La classe moyenne connaît un problème d’image dans un monde fondé sur l’excellence. Reste qu’elle est le chouchou des politiques. Ceux-ci devraient toutefois plus se préoccuper du pouvoir d’achat, les salaires sont certes en hausse, mais dans une proportion moindre que les primes d’assurance maladie. Il conviendrait de dé-diaboliser l’impôt pour financer les prestations qui bénéficient au confort de la classe moyenne.

Notons pour finir que paradoxalement les classes moyennes européennes sont à la peine, alors que leur essor spectaculaire dans les pays émergents nourrit leur croissance économique.