Heidi Schelbert-Syfrig

En Allemagne on l’appelle la «sage de l’économie». Dans notre pays, elle a marqué des milliers d’étudiants de son enthousiasme contagieux pour la science. En 1972, Heidi Schelbert-Syfrig est la première femme à être nommée professeur ordinaire d’économie à l’université de Zurich. Elle est déjà professeur assistante depuis quatre ans, ayant été nommée au jeune âge (selon les critères du moment) de 34 ans. Elle a grandi à Zurich Wollishofen, et montre bientôt au gymnase son don pour les mathématiques et les sciences naturelles. Qu’elle n’opte pas pour la physique, mais pour les sciences économiques, s’explique par son intérêt social: en sa qualité de scientifique, Heidi Schelbert-Syfrig veut faire bouger la société et contribuer à un monde plus juste.

Ses aptitudes mathématiques lui profitent dans l’économie. Elle est l’une des premières à travailler avec des méthodes statistiques exactes et contribue à la percée de l’économétrie en Suisse, par exemple dans la détermination de la demande de monnaie. Elle instaure aussi des méthodes exactes dans la discipline, nouvelle à l’époque, de l’économie environnementale et démontre que l’environnement et la croissance ne sont pas forcément contradictoires.

Heidi Schelbert-Syfrig est également considérée comme une pionnière dans un autre fief masculin. Depuis l’enfance, elle adore les montagnes, en plus de sa carrière académique. En tant qu’alpiniste, elle participe à plusieurs premières explorations et expéditions d’alpinisme à plus de 7000 mètres d’altitude et au-delà du cercle polaire.Pour le Club suisse des femmes alpinistes (CSFA) elle organise des tours en tant que guide. Elle fait la connaissance de son mari Albin lors d’une escalade du Weisshorn. Il semble que les deux ont déjà le coup de foudre au sommet. Le couple devient une équipe, tant à la montagne qu’à la maison, où ils sortent du partage rigide des rôles des années 1960. Pour soutenir la carrière académique de Heidi, le dessinateur Albin prend en charge le service domestique. Elle raconte souvent à ses étudiantes et étudiants les hostilités auxquelles est exposé son époux en tant qu’homme au foyer – par les femmes lors des commissions à la Migros encore plus que par les hommes à la table du bistrot.

Heidi Schelbert-Syfrig s’engage très tôt pour qu’il y ait plus de femmes dans des positions dirigeantes. Elle veut ainsi atteindre surtout une chose: plus d’indépendance et de confiance en elles parmi les femmes. En tant que première présidente de la Commission d’égalité de l’université de Zurich, elle ouvre la voie à de nombreuses femmes qui enseignent et font de la recherche aujourd’hui dans les hautes écoles. Elle considère la fonction d’exemple comme plus importante que les quotas, car qui a envie d’être une femme-quota ?

Même après sa carrière d’alpiniste, Heidi Schelbert-Syfrig est restée liée à la nature. Dans sa ferme de l’Emmental, où les époux Schelbert vivent depuis longtemps, elle élève plus de 30 huskies, avec lesquels elle a notamment participé à la célèbre course de traîneaux à chiens à travers l’Alaska. Espiègle, elle explique aux visiteurs que les chefs de meute sont des femelles.

L’ensemble des portraits des pionnières de la Suisse moderne fera l’objet d’une publication dans un livre qui paraîtra à l’automne 2014, édité par Avenir Suisse, les Editions Slatkine et Le Temps. A précommander ici