Ruth Dreifuss plaide pour une régulation du marché des stupéfiants. L’ex-conseillère fédérale rappelle que toutes les politiques de lutte ont échoué et n’ont conduit qu’à l’enrichissement des organisations criminelles.

A l’heure où plusieurs villes suisses s’interrogent sur la manière dont elles pourraient mettre sur pied des expériences pilotes en matière de délivrance de substances psychotropes, l’ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss continue à délivrer sa bonne parole en matière de politique de drogue. Le constat est limpide: «Après des décennies de prohibition, quel est le résultat? La demande a augmenté, l’offre a explosé, les violences liées au trafic se sont accrues, et la drogue est devenue la ressource numéro un des organisations criminelles». Face à un «gaspillage de moyens» dans un combat qui consiste à «vider le lac avec une petite cuillère», la socialiste plaide pour une décriminalisation de la consommation de stupéfiants. «Il n’y a aucune raison de punir les gens qui consomment s’ils ne nuisent pas aux autres.»

Une porte entre-ouverte à des projets pilotes

L’ex ministre – invitée mercredi à s’exprimer à Genève dans le cadre du «Carrefour des idées» qu’organise Avenir Suisse – veut croire à des solutions locales et pragmatiques pour faire bouger les lignes politiques. A l’heure actuelle, la législation fédérale interdit toujours la consommation, le commerce, la culture et la fabrication de stupéfiants. Mais des exceptions demeurent possibles, la Confédération pouvant accorder des autorisations exceptionnelles pour la recherche, le développement de médicaments ou une application médicale limitée. Ruth Dreifuss le reconnaît: «Notre marge de manœuvre est petite».

Et la manœuvre consiste, pour les villes de Berne, Zürich, Genève et Bâle, à se répartir des projets pilotes – «scientifiquement rigoureux», assure Ruth Dreifuss – par groupe cible de consommateurs: jeunes adultes (ou mineurs âgés entre 16 et 18 ans) en rupture sociale devant bénéficier d’un accompagnement thérapeutique, consommation à dessein médical ou population standard, par exemple. «Une demande groupée des quatre villes serait formulée cet automne à la Confédération», annonce celle qui est également présidente de la commission globale sur les politiques en matière de drogues.

«Un produit dévastateur»

Une libéralisation des drogues, même contrôlée, ne semble pas acquise à en croire la réaction d’une juge des mineurs aux propos de l’ancienne ministre. «Je suis dubitative lorsqu’on me dit qu’on va légaliser ce produit. Je rencontre des jeunes qui consomment entre 7 et 10 joints par jour, je peux vous dire que ce produit est dévastateur.» L’ex conseillère fédérale, elle, préfère offrir aux réfractaires à un traitement visant l’abstinence, la possibilité d’une consommation contrôlée et d’un soutien psychologique et social.

Cet article est paru le 2 juin 2016 dans Le Temps.