On attend beaucoup de l’entrepreneur. Trop, peut-être ! Non seulement il doit avoir une vision pour son entreprise, prévoir les changements sociétaux, anticiper les besoins des clients, être socialement responsable mais il doit surtout faire marcher la boutique, à savoir gérer les conflits humains, motiver ses équipes, optimaliser les processus de fabrication, faire des marges et assurer la relation clientèle tout en ayant un œil averti sur la législation et la réglementation du travail, les chiffres, la comptabilité et le reporting. Bref, c’est un travail de fou !

De plus, face à l’ensemble des problèmes quotidiens qu’il rencontre, il se sent souvent seul, bien seul. En effet, à qui peut-il vraiment se confier ? Avec qui évoquer les problèmes spécifiques de l’entrepreneur ? Comment aborder correctement la prise de décisions délicates sans éveiller méfiance et défiance à l’intérieur de l’entreprise ? Aujourd’hui, il y a trois moyens concrets pour faire face à cette solitude : le coaching, les clubs ou groupes de pairs (réunissant seulement les entrepreneurs entre eux) et les plateformes des réseaux sociaux dédiées aux entrepreneurs. Faisons le point de la situation en définissant pour chaque moyen son champ de prédilection.

Le coaching introduit une notion de temporalité et de hiérarchie (le coach et le « coaché ») que l’on ne retrouve ni dans les clubs ni dans les réseaux sociaux. Il adresse avant tout des problèmes liés aux propres lacunes de l’entrepreneur. Pour être efficace, le coach doit non seulement posséder l’expérience et les compétences appropriées mais aussi connaître ses limites et savoir transmettre son savoir à l’entrepreneur tout en lui laissant l’ownership du problème abordé. Mieux on est à même de définir le problème (par exemple : développement personnel, gestion des ressources humaines, etc.), plus on est à même de qualifier un coach et plus le coaching est efficace. Le soi-disant coaching effectué par des investisseurs financiers est souvent dangereux et contre-productif. En effet ces derniers, ayant souvent un ego très développé et très peu de compréhension du bon fonctionnement d’une entreprise, franchissent trop souvent la limite de leur incompétence. En d’autres termes, le coaching est efficace dans un cadre bien restreint souvent trop restreint face à l’ensemble de la problématique entrepreneuriale.

Les clubs ou groupes de pairs regroupent souvent dans un cercle bien défini (le club) des entrepreneurs confirmés. La qualité et la complémentarité des membres donnent accès à un large spectre de compétences. Chaque membre peut être demandeur ou acteur. Chacun peut en effet exprimer les défis auxquels il doit faire face et puiser des solutions chez ses pairs. Celui-ci devra par la suite contribuer personnellement avec ces connaissances acquises à la résolution d’un problème posé. La composition du cercle excluant dans la majorité des cas des compétiteurs, on comprendra que ces cercles fonctionnent avant tout dans la résolution de problèmes horizontaux tels que des systèmes de rémunération ou encore la gestion de la carrière des collaborateurs. Il permet néanmoins d’élaborer aussi des ébauches de solutions sectorielles très innovantes grâce à des approches peu conventionnelles de transposition de solutions d’un secteur à un autre.

Les réseaux sociaux sont différents. Au contraire du coaching et des clubs, ils offrent un spectre très large de compétences dans lequel on peut puiser, du moins théoriquement, car il dépend toujours du bon vouloir de ces membres. En effet, chaque membre est libre de répondre ou non aux sollicitations et de plus, il peut à tout moment sortir du réseau. Les réseaux sociaux garantissent à leurs membres la possibilité d’être totalement passifs ou de quitter le bateau sans prévenir ou presque. Cependant, ces réseaux fonctionnent à merveille dans des situations où on est à la recherche rapide d’informations spécifiques ou de solutions parcellaires qui peuvent être facilement fournies par un tiers sans trop d’effort de sa part. Ils sont donc essentiellement basés sur la vitesse de réaction et le grand nombre d’intervenants pouvant éventuellement répondre à la demande ponctuelle de telle sorte que l’on obtient toujours une ou plusieurs réponses à ces questions. Les réseaux sociaux dédiés aux entrepreneurs sont aujourd’hui nombreux sur la Toile, mais peu répondent aux exigences locales des entrepreneurs.

Dès lors, une première conclusion s’impose. Ces trois moyens sont totalement distincts et répondent de fait à des besoins différents. Le coaching sert avant tout aux problèmes rencontrés par l’entrepreneur et pas à ceux liés à l’entreprise. Les pairs permettent d’aborder des problématiques par analogie de situation. Les plateformes en réseaux sociaux autorisent à recevoir ponctuellement des solutions pragmatiques, en quelque sorte des « bonnes pratiques » ayant fonctionné ailleurs. La solitude de l’entrepreneur face à l’avalanche des problèmes quotidiens peut être brisée partiellement par le biais de ces trois moyens selon la situation rencontrée. Cependant aucun ne répond pleinement à tous les besoins potentiels de l’entrepreneur.

Aujourd’hui, apparaissent de nouvelles plateformes permettant de combiner, au moins partiellement, ces trois méthodes. Ces plateformes prennent différentes formes mais elles tentent toutes de combiner le On-line et le Off-line, à savoir offrir à la fois une présence sur Internet et un véritable lieu de rencontre et d’échange. La Muse qui est la plateforme genevoise d’échange de compétences, de savoir-faire et d’émergence de projets s’appuyant sur le réseau social « Rezonance » est un tel lieu, une sorte d’ « avant-poste » de l’économie qui permet aux entrepreneurs et entrepreneuses d’avoir accès à l’une de ces trois méthodes quasiment simultanément et en temps réel. C’est un lieu unique, expérimental et fait pour briser la grande solitude entrepreneuriale. A visiter absolument.

Article publié dans «Le Temps»  du 15 février 2012.