Vendredi 17 décembre, le Conseil fédéral a à nouveau décrété le télétravail obligatoire pour ceux qui le peuvent. Qu’en était-il en 2021 ? Qui en a profité ? Cela variait, en fonction :

  • de la branche

Le travail à domicile est fréquent, en particulier dans les secteurs de l’informatique, des services indépendants et de la finance, ainsi que des assurances. Mais de nombreux enseignants effectuent depuis longtemps déjà une partie de leur travail à domicile. Alors que la pandémie n’a entraîné qu’une légère augmentation du télétravail dans les professions de l’enseignement, près de deux fois plus de personnes dans le secteur de la finance et des assurances ont travaillé à domicile par rapport à 2019. Sans surprise en revanche, on travaille rarement à domicile dans le secteur de l’hébergement, de la construction et de la santé.

  • de la situation familiale

Le télétravail est un peu plus répandu chez les hommes que chez les femmes, car ces dernières exercent souvent des professions nécessitant plus de contacts humains, comme les soins ou l’assistance. En outre, l’option d’exercer sa profession à domicile a tendance à être davantage choisie par les parents ayant des enfants à charge.

  • du niveau de formation

Plus de deux tiers des salariés qui travaillent occasionnellement ou régulièrement à domicile ont un diplôme de niveau supérieur – les emplois de bureau hautement qualifiés se prêtent manifestement bien à un travail indépendant du lieu.

  • de l’âge

Les différences de niveau d’éducation pourraient parfois expliquer pourquoi le travail à domicile est moins fréquent chez les 15-24 ans où les professionnels hautement qualifiés sont encore peu nombreux. A cela s’ajoute le fait que la présence sur le lieu de travail est particulièrement utile lorsque l’on débute sa carrière. Toute personne ayant changé de poste pendant le premier confinement sera probablement d’accord avec cette affirmation.

  • du lieu de résidence

Les actifs qui vivent (et souvent travaillent) dans une ville ou une grande agglomération ont plus souvent tendance à télétravailler que ceux qui vivent à la campagne. Deux tiers des salariés travaillant à domicile vivent dans des zones urbaines. Il existe en outre de grandes disparités régionales, probablement liées à la structure sectorielle des cantons. Dans le paysage des entreprises multinationales des cantons de Zurich, Zoug, Bâle et Genève, il y a par exemple une plus grande proportion d’emplois avec des options de travail à domicile que dans les cantons où l’agriculture ou le tourisme sont des secteurs importants.

Le télétravail est-il parti pour durer ?

La grande majorité des travailleurs ont connu de bonnes, voire très bonnes expériences en travaillant depuis chez eux. A tel point que, selon une enquête récente, 80 % des personnes qui télétravaillent souhaiteraient continuer à le faire au moins partiellement après la pandémie. Seuls 10 % ont déclaré vouloir retourner complètement au bureau, tandis que 10 % supplémentaires préféreraient travailler exclusivement à la maison. L’attitude positive des employés à l’égard du travail à la maison n’est pas une spécificité suisse. Dans d’autres pays également (tels que les Etats-Unis ou le Royaume-Uni), les employés ont jugé l’expérience du télétravail globalement positive et souhaitent conserver cette possibilité à l’avenir. Selon une enquête internationale du groupe Adecco, les employés souhaitent passer environ la moitié de leur temps de travail à la maison.

Il reste toutefois à savoir si les entreprises apprécient cette évolution autant que leurs employés. Les preuves empiriques de l’impact du travail à domicile sur la productivité sont contradictoires. Elles montrent que les collaborateurs les plus productifs – s’ils ont le choix – sont plus susceptibles de choisir un lieu d’habitation propice au télétravail. Ceux qui veulent faire carrière ou commencer un nouvel emploi, quant à eux, évitent le télétravail.

On comprend vite pourquoi. Le télétravail ne remplace pas le travail en présentiel. Il est donc probable qu’une fois la pandémie passée, certains continueront de travailler au bureau et d’autres à la maison. Ainsi, un modèle hybride entre ces deux options est susceptible de prendre le dessus. Dans ce contexte, on peut supposer que ce sont surtout les travailleurs hautement qualifiés des grandes agglomérations, qui acceptent déjà de faire de longs trajets, qui pourront bénéficier de l’essor du télétravail. Pour les jeunes, les personnes mobiles et celles qui se soucient de leur carrière, la présence sur le lieu de travail reste indispensable.

Adapter la loi aux pratiques actuelles sur le marché du travail

Contrairement à ce que disent les syndicats, qui considèrent le télétravail comme un moyen de pression supplémentaire des employeurs sur leurs employés, cette forme de travail se développera probablement plutôt comme avantage en nature pour les employés de longue date. La flexibilité temporelle et spatiale est devenue de plus en plus une caractéristique des emplois plus qualifiés. Ainsi, la proportion des travailleurs d’une industrie qui dispose de modalités de travail flexibles (horaires de travail annualisés par exemple) augmente fortement avec la proportion de travailleurs hautement qualifiés (et donc avec les salaires). C’est pourquoi il faut s’attendre à des changements plus rares dans les formes de travail dans les régions périphériques, où, entres autres, la densité de travailleurs hautement qualifiés est faible.

La décision prise par le Conseil fédéral vendredi 17 décembre l’a prouvé : l’augmentation du nombre de cas de Covid a tendance à durcir plutôt que d’assouplir les réglementations. Mais comme les derniers mois l’ont montré, on peut toutefois attendre des employés qu’ils assument un degré élevé de responsabilité individuelle. C’est aussi pour cette raison qu’il est temps d’adapter la législation aux besoins et aux pratiques de travail actuels.

Pour plus d’informations, consultez notre publication «En plein forme ? Les conséquences de la pandémie de Coronavirus sur le marché du travail suisse»