La crise financière est le fruit de l’avidité de certains acteurs, notamment de banquiers, et la conséquence de la perte de certaines valeurs, selon Nicolas Sarkozy. Le diagnostic est peut-être discutable, car la nature humaine n’a pas changé en si peu de temps, mais l’impact de cette accusation a été considérable. Le public l’a non seulement accepté, mais il a appuyé ce discours. De quelles valeurs s’agit-il? Sont-elles menacées? Avenir Suisse et l’Institut der deutschen Wirtschaft à Cologne (IW Kôln) se sont penchés sur ces questions vendredi à Zurich lors d’un symposium.

Les libéraux ne peuvent laisser les milieux anti-libéraux, qu’ils soient socialistes ou verts, utiliser les émotions alors que les libéraux ne parleraient qu’à la raison, a déclaré Gerhard Schwarz, directeur d’Avenir Suisse.

Les libéraux doivent s’accaparer le thème des valeurs non seulement en raison de leurs apports dans ce domaine, d’Adam Smith à Friedrich von Hayek, mais aussi pour des raisons de tactique politique, de sens moral et de défense de la liberté, selon le directeur d’Avenir Suisse. Sans introduire de nouvelles contraintes sur l’individu, il importe de définir un petit nombre de valeurs libérales afin de diminuer la croissance exponentielle des règles formelles, at- il ajouté.

Est-ce contradictoire de se définir comme le défenseur de la liberté et de se ranger derrière quelques valeurs? Pour Elham Manea, yéménite d’origine et professeure à l’Université de Zurich, chaque sous-groupe défend ses propres valeurs, mais il existe un consensus minimal, celui des droits de l’homme Elle s’appuie par exemple sur l’expérience douloureuse des femmes dans certains pays musulmans. Pour Gerhard Schwarz, l’«absolutisme» libéral à l’égard de certaines valeurs se limitera à la défense de la liberté (en tant qu’absence de contrainte de la part d’un autre). «Les libéraux sont tolérants à l’égard de toutes les valeurs qui ne limitent pas cette dernière».

Les dix valeurs libérales

Dans la recherche d’un optimum entre la liberté individuelle et la coopération sociale, Gerhard Schwarz s’inspire de Wilhelm Rilipke, qui, dans son ouvrage Audelà de l’offre et de la deraande a vu dans la morale et le marché des compléments nécessaires.

Le directeur d’Avenir Suisse propose les dix valeurs libérales suivantes: la liberté et la dignité de la femme et de l’homme, la responsabilité individuelle, la propriété privée (autonomie), l’individu en tant qu’être social, la coopération sociale, la famille, les obstacles moraux, la quête de reconnaissance, les valeurs spirituelles, une approche à long terme qui dépasse la durée de vie de l’individu.

L’ensemble doit «enrichir le libéralisme. La liste ne se veut pas exclusive. Il ne s’agit surtout pas d’offrir «un moralisme bon marché », mais de faire confiance aux vertus traditionnelles de la civilisation occidentale.»

«Tout ne peut être réglé à travers des lois», selon Michael Hüther, directeur de l’Institut der deutschen Wirtschaft (IW Köln). Tout n’est d’ailleurs pas contenu au sein d’un contrat de travail. L’essentiel se situe davantage dans la culture de l’entreprise. Or l’effet des valeurs se lit d’abord dans le vécu quotidien.

Cet article est paru dans «le Temps» du 18 juin 2011