Lily Abegg

«Elle avait pour destin l’Extrême-Orient, en particulier le Japon, et pour mission d’ouvrir l’Occident à ce monde». C’est en ces mots qu’un orateur a résumé l’action de Lily Abegg lors des funérailles de cette journaliste et écrivain passionnée. Infatigable et constamment portée par son énergie juvénile, cette grande connaisseuse de l’Asie est brusquement décédée alors qu’elle passait des vacances en Engadine. Son dernier ouvrage, «Japans Traum vom Musterland», venait de paraître et rassemblait ses expériences du Japon, où elle avait passé de nombreuses années.

La vie de Lily Abegg est aventureuse. Fille d’un commerçant en soieries, Hans Abegg, et d’une Allemande, Elsa Klara, Lily grandit à Yokohama. Après un séjour en Europe, où elle fait ses études, elle retourne dans le pays de son enfance, cette fois-ci en tant que journaliste. En 1936, elle devient correspondante pour la Frankfurter Zeitung, un poste qu’elle conservera jusqu’en 1940, lorsqu’éclate la guerre du Pacifique. Pendant toute la durée du conflit, elle restera au Japon mais se rendra parfois sur les champs de bataille en Chine, où elle couvrira la prise de Nankin par les Japonais.

Soupçonnée après la guerre d’avoir fait de la «propagande pour les forces de l’Axe», elle est faite prisonnière de guerre par les Américains. Toute se révèle être une erreur une fois connue la nationalité suisse de Lily Abegg, comme le rapporte la Neue Zürcher Zeitung. Après une collaboration avec la Weltwoche, elle travaille une nouvelle fois au Japon pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung entre 1954 et 194. Par la suite, elle continuera à apporter son expertise au journal en tant que conseillère pour l’Asie de l’Est.

Lily Abegg est une «orientaliste» de la vieille école. Ses livres sur l’Asie ne sont pas « scientifiques » mais s’inspirent de rencontres personnelles. L’écrivain critique l’eurocentrisme, mais rejette aussi les attractions exaltées pour l’Asie qui s’appuient sur des mythes et des légendes et non sur une connaissance fondée du continent. Elle-même est toutefois quelque peu eurocentrique. Ainsi, elle ne considère pas se connaissances lacunaires de la langue japonaise, à l’oral comme à l’écrit, comme un obstacle pour comprendre son pays d’adoption. Elle ne peut lire les journaux japonais que s’ils sont en anglais ; les sources primaires en japonais lui sont en grande partie inaccessibles. Cependant, il ne fait aucun doute qu’elle a façonné comme nul autre écrivain de l’époque l’image que ses contemporains se faisaient de l’Asie, surtout dans la sphère germanophone. Son livre «L’Asie de l’est pense autrement ( Ostasien denkt anders)», publié en 1949, a été élevé en peu de temps au rang d’ouvrage de référence.

L’ensemble des portraits des pionnières de la Suisse moderne fera l’objet d’une publication dans un livre qui paraîtra à l’automne 2014, édité par Avenir Suisse, les Editions Slatkine et Le Temps. A précommander ici