Marie Goegg-Pouchoulin, militante socialiste et féministe de la première heure, a jeté les premières bases du mouvement d’émancipation de la femme en Suisse
Née en 1826 à Genève dans une famille d’horloger, Marie Pouchoulin, éveillée et intelligente, reçoit, comme de coutume à l’époque, un enseignement de base. Son père a toujours été sensible aux idées socialistes qui la marquent profondément. Elle épouse sans conviction à dix-neuf ans un honnête commerçant: Marc-Antoine Mercier. La famille s’agrandit, deux ans plus tard, avec un fils, Henri. Dévouée à l’éducation de son enfant, Marie Mercier née Pouchoulin se satisfait peu de son existence de mère et d’épouse.
Son quotidien prendra une toute autre saveur dès 1848. L’Europe est alors bouleversée par les révolutions nationalistes du Printemps des peuples. La famille Pouchoulin loue des chambres à la pléthore de révolutionnaires et autres réfugiés politiques de l’Europe entière qui cherchent asile à Genève. A leur contact, la fibre militante et amoureuse de Marie Mercier s’éveille. En 1849, elle s’amourache éperdument d’un jeune chef révolutionnaire badois, Amand Goegg. Chose extrêmement rare à l’époque, elle demande le divorce, qui lui sera refusé par les autorités. Elle devra attendre deux années avant de pouvoir se séparer de son mari. Marie Pouchoulin et Amand Goegg décident d’aller vivre à Londres en 1854. Leur premier fils, Egmont, y naît. Le couple revient vivre à Genève en 1857 et fonde une verrerie. Le 1er août naît leur second enfant Gustave Alfred.
Le couple est très actif dans les milieux socialistes. Marie Goegg-Pouchoulin et son mari s’investissent dans l’Association ouvrière internationale, aussi connue sous le nom de Première internationale. Suite à la création en 1867 de la Ligue internationale pour la paix et la liberté, version embourgeoisée de la Première internationale, elle lance en 1868 un appel à l’union des femmes dans le journal de la Ligue, «Les Etats-Unis d’Europe». Suite à cet appel, elle fonde le premier mouvement féministe de Suisse: l’Association internationale des femmes, qui milite pour leurs droits politiques. Cette même année, elle devient la première Suissesse à s’exprimer en public lors du congrès de la Ligue internationale pour la paix et la liberté de 1868.
La guerre franco-allemande marque un coup d’arrêt aux activités de l’association. En 1872, Marie Goegg-Pouchoulin relance son combat en créant l’association Solidarité. Elle fera avancer la condition féminine à Genève tout d’abord. En usant de son droit de pétition, elle fait ouvrir les bancs de l’Université de Genève aux étudiantes. Son combat principal sera l’abolition de la tutelle de femmes. A cette époque, les femmes célibataires ou veuves rentrent officiellement dans la même catégorie que les mineurs, les faibles d’esprits et les criminels. La tutelle sera supprimée dans le canton de Vaud en 1874 et à Bâle en 1877. L’abolition au niveau fédéral ne sera acquise que bien après son décès en 1912. Mais sans son combat, rien n’aurait été possible.
Sa vie privée ne connaît pas les mêmes succès que sa vie publique. En 1874, Amand Goegg la quitte à l’occasion d’une tournée de conférences en Australie. Il l’aura au passage dépouillée de sa fortune paternelle. Heurtée par l’abandon de ce mari qu’elle a aimé plus d’un quart de siècle durant, Marie Goegg-Pouchoulin se retire et laisse de côté sa fibre militante. Une nouvelle génération de féministe reprendra le flambeau. Toutefois, elle ne tarde pas à reprendre son combat. Elle présidera Solidarité en 1875 jusqu’à sa dissolution en 1880. Elle est élue au Conseil d’administration de la Fédération abolitionniste internationale en 1886 et sera élue vice-présidente de l’Union des femmes de Genève en 1891. La jeune génération de féministes considère toutefois dans ses dernières années ses revendications peu en phase avec leur époque, même si elle lui est reconnaissante d’avoir établi une base solide pour leur mouvement. Marie Geogg-Pouchoulin décède le 24 mars 1899 à Genève. Elle aura été l’une des premières féministes égalitaristes de Suisse et l’un des symboles des femmes progressistes de Suisse romande.
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