Marthe Gosteli

Marthe Gosteli n’est pas une femme qui se laisse déconcerter. Déjà, après la mort de son père, elle reprend la ferme familiale, à Worblaufen (BE), avec l’aide de sa mère et de sa sœur. Une ferme gérée par des femmes était inconcevable à l’époque. Mais les trois femmes ne se découragent pas et défendent leur exploitation. Aujourd’hui encore, rien ne peut décourager Marthe Gosteli. Le cœur de cette femme dynamique de 97 ans bat toujours avec la même intensité et la même passion pour la cause des femmes, ce qui l’a élevée au rang d’icône du mouvement féministe.

Les messages spectaculaires ou les démonstrations tonitruantes ne sont pas les armes de Marthe Gosteli: elle préfère des méthodes plus subtiles pour défendre sa cause. Grâce à l’éducation et la sensibilisation, elle milite dans les années 1950 et 1960 pour le droit de vote des femmes, ce qui demande beaucoup de temps et de patience. En Suisse, on a voté une cinquantaine de fois sur cette question, dans les communes, dans les cantons, et deux fois au niveau fédéral. Cela donne 50 fois l’occasion d’énoncer les arguments en faveur de l’égalité entre hommes et femmes. Souvent, les plus difficiles à convaincre sont elles-mêmes des femmes. En février 1971, enfin l’aboutissement : la majorité des hommes suisses dit «oui» au droit de vote des femmes, une étape cruciale dans l’histoire de la Suisse et du mouvement des femmes.

Marthe Gosteli ne devient pas la première présidente du Conseil national, ni la première conseillère fédérale. Elle laisse cela à d’autres, sa mission est différente. «Sans histoire, il n’y a pas d’avenir.» Marthe Gosteli en est profondément convaincue. Pour cette raison, et aussi parce que les femmes sont souvent oubliées dans les livres d’histoire, la ferme familiale, pour laquelle les trois femmes se sont vaillamment battues, abrite depuis 1982 les Archives d’histoire féminine de la Fondation Gosteli.

Par conviction, Marthe Gosteli ne s’est jamais mariée. «Le mariage ne m’aurait pas permis d’atteindre mes objectifs», dit-elle. Elle regrette que les jeunes femmes d’aujourd’hui sachent si peu de la longue histoire du mouvement d’émancipation féminine. Elle apprécie donc d’autant plus lorsqu’une gymnasienne rédige son travail de maturité en consultant ses archives. Les conseillères nationales et fédérales se succèdent, mais ce n’est que grâce à la fondation de Marthe Gosteli que la mémoire du mouvement d’émancipation féminine suisse perdurera.

L’ensemble des portraits des pionnières de la Suisse moderne fera l’objet d’une publication dans un livre qui paraîtra à l’automne 2014, édité par Avenir Suisse, les Editions Slatkine et Le Temps. A précommander ici