Le front central de la bataille qui oppose les médias publics aux privés tourne autour d’Internet. C’est là où se mènera la lutte pour l’audience! La SSR veut étendre son offre sur le Web et faire de la publicité. Les éditeurs privés poursuivent le même combat. Ils disent qu’avec la redevance obligatoire le combat est inégal. Dans une perspective libérale, certains verraient d’un bon œil qu’on la biffe purement et simplement, en offrant comme contrepartie à la SSR la possibilité de pouvoir investir dans l’online.
Reste qu’une spécialiste de la vente de la publicité sur Internet considère l’accroissement de la pub sur ce segment modeste en Suisse. Alors qu’aux États-Unis, les parts de marché se sont élevées jusqu’à 50% en dix ans, chez-nous on plafonne dans une marge de 2 à 3%. Sans compter que le passage au DAB (diffusion Audio Numérique), notamment pour les radios locales, fait craindre ici une absence de clarté.
Il n’en demeure pas moins que le combat se joue tout de même sur le segment numérique. Avant l’avènement d’Internet, les frontières entre les différents médias étaient évidentes: la SSR diffusait ses programmes de radio et de télévision. Les éditeurs de presse se contentaient de produire des contenus écrits sur du papier.
Les catégories se brouillent
Aujourd’hui, nous vivons à l’heure de la convergence entre l’écrit, le son, l’image et la vidéo. Les médias privés reconnaissent à la SSR le droit de diffuser ses programmes radio et TV sur Internet, mais en aucun cas celui de créer une nouvelle offre indépendante complémentaire. Or avec ses 200 000 visites quotidiennes sur les sites de la radio et de la TV, rien qu’en Suisse romande, la SSR invoque l’évolution technologique pour lancer une nouvelle offre sur ce segment. Cette expansion dépasse le cadre du Service public; c’est même une politique de fait accompli qui se fait en dehors de tout cadre constitutionnel, rétorquent les éditeurs privés très remontés.
Les protagonistes se lancent dans une bataille de chiffres. Pour les privés, la redevance obligatoire de 462 CHF fait déjà engranger à la SSR 1,2 milliard de francs par an. En clair, la SSR bénéficie d’un avantage comparatif déterminant. Cette dernière rétorque qu’au-delà de sa mission, elle offre des programmes populaires de qualité équivalents dans les quatre langues nationales des trois grandes régions. Qu’avec un budget global de 1,6 milliard de francs, elle arrive bien loin derrière toutes ses concurrentes européennes. (ARD: 9 milliards Euro, RAI: 4,7 milliards Euro, France TV et Radio France: 4,5 milliards CHF). Il faut, affirme-t-elle, tendre à la coopération entre presse écrite et Service public.
D’une certaine manière, le combat mené sur le marché national est dépassé et peut-être que les éditeurs privés poursuivent un combat d’arrière garde, à l’instar de ce qui se déroule en Allemagne. Outre-Rhin, la presse écrite n’a pas su anticiper et les télévisions publiques en ont profité pour agrandir leur offre Internet.
Le média des médias
L’évolution technologique laisse en effet apparaître de plus en plus la difficulté à dissocier le contenu et les canaux de diffusion. L’online va devenir le média des médias et ce sont des acteurs globaux comme Google ou Apple qui vont capter la manne publicitaire et stimuler les contenus tout en dictant la production d’informations dans le monde, prédit un acteur des médias privés. À cela s’ajoutent une modification drastique des usages des consommateurs de médias et des choix multiples qui s’offrent aux annonceurs.
Les catégories se brouillent, il n’y a plus de dissociation entre contenus, technologie et support. D’autant que l’histoire l’a toujours démontré: les médias s’accumulent, mais ne se remplacent pas!