La Suisse est fréquemment citée en modèle pour la modération de sa dette publique. Cette situation confortable vient notamment de la mise en place du frein à l’endettement en 2003. Or cette règle fiscale n’existe pas dans les assurances sociales. Pourtant, la forte croissance de ces dernières compromet leur pérennité.
Les dépenses sociales et de santé représentaient 43% des dépenses budgétaires en 1990, 53% en 2007 et atteindraient 63% en 2020. Sans réformes, non seulement le financement des assurances sociales sera fragilisé, mais les autres positions du budget seront comprimées, qu’il s’agisse des infrastructures ou de l’éducation.
Définir les sanctions
La Suisse a généralement besoin d’une longue période pour décider de nouvelles réformes. Il est nécessaire de lancer le débat suffisamment tôt. Avenir Suisse publie donc un ouvrage sur la question (Soziale Sicherheit sichem) et propose diverses recommandations. La principale consiste à introduire un système de frein à l’endettement aux assurances sociales.
L’étude, présentée vendredi à la presse à Zurich, a été réalisée par les économistes réputés Lars Feld, directeur de l’Institut Walter Eucken à Fribourg (Allemagne) et membre du Conseil des experts économiques du gouvernement allemand, et Christoph Schaltegger, professeur à l’Université de Lucerne.
«Une comparaison des pratiques internationales démontre qu’une stabilisation ou une réduction de la dette dépend moins du type de règle fiscale appliquée que des mécanismes de sanctions qui se déclenchent lorsque le financement n’est plus garanti», selon Lars Feld. En Suède, aux Pays- Bas et au Brésil, les règles fiscales englobent les assurances sociales au sein du budget courant. Mais aux Etats-Unis, par exemple, elles excluent la protection sociale au niveau tant des différents Etats que de l’Etat central.
En Suisse, la situation la plus alarmante concerne l’AVS. Le refus de la onzième révision n’a fait que retarder le problème. Or, si rien n’est entrepris, le trou annuel devrait s’élever à 40 milliards de francs d’ici à 2050. Cela correspond à 8,5% du PIB. Le montant est considérable, même si la Suisse ne se classe qu’au milieu du peloton (voir le graphique).
Suivre le modèle danois
Avenir Suisse avance l’idée d’un système d’«auto-pilote» tel qu’il existe au Danemark. Dans ce pays, l’âge légal de la retraite sera rehaussé tous les six mois entre 2024 et 2027 de 65 à 67 ans. Par la suite, il sera couplé à l’évolution de l’espérance de vie de telle façon que les années de retraite durent en moyenne 14,5 ans. L’âge de la retraite passera à 71 ans en 2045 et 72,5 ans en 2060.
L’Allemagne connaît un modèle semblable. L’âge de la retraite devra être ajusté de telle manière que la durée moyenne relative des années de retraite reste constante. Elle est définie par le rapport entre le nombre d’années à la retraite et les années de cotisation. Le mécanisme d’auto-pilote ne doit pas supprimer les exceptions pour certains corps de métier, mais, une fois décidées, elles ne doivent pas être constamment renégociées, selon Christoph Schaltegger. En Suisse, cette approche permettrait de ne pas réduire les rentes AVS actuelles sans pour autant augmenter les cotisations sociales.
L’inconvénient de ce système réside dans sa rigidité puisque la marge de manoeuvre du parlement serait très réduite. C’est pourquoi une règle dite d’«aide à la navigation» aurait également certains avantages. Il s’agirait alors, pour la politique, de développer des mesures d’assainissement lorsque certaines valeurs limites sont atteintes.
Cet article est paru dans «Le Temps» du 26 novembre 2011