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On pourrait penser que le message était enfin passé: le taux de conversion en soi n’est pas déterminant pour les montants de rente dans la prévoyance professionnelle, mais la somme des capitaux épargnés à la date du départ à la retraite multipliée par le taux de conversion en vigueur. Si l’abaissement du taux de conversion est compensé par une augmentation équivalente du capital d’épargne, la rente reste constante. Mais depuis la révision de la prévoyance votée par le Conseil des États à la mi-septembre, cette formule semble avoir sombré dans l’oubli. Les médias reprennent encore et toujours l’idée erronée que l’abaissement du taux de conversion proposé entraîne une réduction des rentes de la prévoyance professionnelle et plaident par conséquent en faveur d’une compensation dans le 1er pilier. Sur la base de ce faux diagnostic, le mauvais remède est administré.

Compensation déjà prévue dans le 2e pilier

Dans le message du Conseil fédéral, comme dans le projet du Conseil des États, des mesures sont proposées afin de compenser par des cotisations salariales additionnelles la réduction prévue du taux de conversion de 6,8% à 6,0. Pour cela, 13% de capital supplémentaires doivent être amassé jusqu’à l’âge de 65 ans. Pour atteindre ce but, la déduction de coordination sera réduite (et avec elle, la base du calcul des cotisations salariales élargie), l’obligation de cotisation sera introduite dès 21 ans au lieu de 25, et le taux de cotisation pour les employés entre 35 et 54 ans sera augmenté d’un point de pourcentage.

Pour les employés proches du départ à la retraite, une constitution additionnelle de 13% de capital serait difficilement supportable. C’est pourquoi le projet du Conseil des États contient une solution transitoire sur 15 ans, qui prévoit un financement solidaire de la part de toutes les personnes actives au bénéfice des employés âgés. Un employé de 47 ans aujourd’hui (donc de 50 ans lors de l’entrée en vigueur de la loi) ne perd aucun centime de rente dans le 2e pilier. Mais l’augmentation annuelle de l’AVS visée, d’un montant de CHF 840 pour les célibataires et de CHF 2712 pour les couples, ne va pas entrer en vigueur seulement à partir de 2033 – à l’expiration de la solution transitoire – mais immédiatement. Pourquoi l’AVS devrait-elle être déjà augmentée, alors qu’aucune compensation n’est nécessaire ? Les architectes de cette extension de l’AVS veulent-ils séduire leurs électeurs ? En année d’élection, de telles réflexions ne sont pas à exclure.

Différents cercles de bénéficiaires

L’augmentation immédiate de l’AVS n’est pas seulement déplacée parce qu’elle compense une supposée réduction des rentes de la prévoyance professionnelle. Elle mélange aussi le financement des 1er et 2e piliers et viole ainsi un principe fondamental qui jusqu’il y a peu restait, à raison, intangible. Il ne s’agit pas d’une idéologie, mais simplement du fait que les 1er et 2e piliers s’adressent à différents cercles de bénéficiaires. L’obligation de cotiser à l’AVS touche l’ensemble de la population entre 18 et 65 ans (5,3 millions de personnes en 2013, voir figure). Parmi cette population, beaucoup de personnes ne sont pas actives. Et même celles qui le sont ne sont pas toutes assurées dans la prévoyance professionnelle. L’obligation de cotiser ne s’applique par exemple pas aux indépendants ou aux personnes qui, sur la base d’une occupation à temps partiel ou d’un salaire peu élevé, gagnent moins de CHF 24’675 par année. Comme mentionné plus haut, les personnes de plus de 50 ans seront épargnées par la réforme.

En fin de compte, ce sont seulement environ 48% des cotisants AVS qui seront éventuellement touchés par l’abaissement du taux de conversion après 2033. Eventuellement, car comme l’indique une évaluation de l’Office fédéral de la statistique pour 2010, seule la moitié des assurés LPP perçoit son 2e pilier sous forme de rente. 34% des assurés choisissent un versement en capital, tandis que les 16% restants optent pour une combinaison entre capital et rente. Celui qui perçoit le capital reçoit la totalité de son argent. Pour lui, la hauteur du taux de conversion ne joue aucun rôle.

En outre, selon l’Office fédéral des assurances sociales, six assurés sur sept sont couverts par une caisse de pension enveloppante, et quatre sur sept par une caisse très enveloppante. Ces caisses offrent des prestations qui vont au-delà du minimum prévu par la loi. Grâce à un calcul combiné, ces institutions de prévoyance peuvent dès aujourd’hui appliquer un taux de conversion plus bas sur l’ensemble des avoirs vieillesse. Selon Swisscanto, cette valeur moyenne s’élève à 6,25% en 2015. Dans ces caisses, la réduction du taux de conversion est déjà en partie anticipée et financée. L’abaissement du taux de conversion minimum n’aurait donc que peu, voir aucun effet pour ces caisses. Finalement, à partir de 2033, ce sont moins de 15% des personnes soumises à l’obligation de cotiser à l’AVS qui seront potentiellement touchée par la réduction du taux de conversion.

Ainsi, au lieu d’augmenter l’AVS uniquement pour ces 15% de la population et seulement à partir de 2033, on l’augmente dès aujourd’hui et pour tous – même pour les grands avocats, les chirurgien-cardiologues ou les filles de milliardaires. Ce n’est pas une manière efficace et ciblée d’utiliser les ressources financières. On a bien plus le sentiment que l’on cherche à inonder tout le jardin avec une lance à incendie tout en prétendant vouloir arroser seulement quelques roses.