Toujours plus de capitaux versés

Dans le débat public, la baisse des rentes est souvent brandie. Mais la rente n’est pas la seule façon de percevoir des prestations. La loi garantit aux assurés le droit de retirer au moins un quart de leur avoir sous forme de capital lors du départ la retraite. Cette option séduit toujours plus de retraités. En sept ans, la part des nouveaux retraits choisissant de retirer totalement ou partiellement leur capital a augmenté de 7 points de pourcentage, passant de 49 % en 2015 à 56 % en 2022. Les montants médians sont également en hausse de 85 000 114 000 francs.

Compensation partielle des rentes

L’analyse des rentes seules, sans tenir compte des capitaux versés, donne ainsi une image incomplète de la situation des retraités. Pour faciliter la comparaison, Avenir Suisse a calculé une «rente équivalente» en convertissant les capitaux versés en rentes annuelles à l’aide d’un taux de conversion. Pour ce dernier, deux cas de figure ont été considérés : une fois en appliquant le taux légal minimum de 6,8 % et une fois en appliquant le taux de conversion effectif moyen de l’année lors de laquelle le capital a été versé. La réalité se situe vraisemblablement dans cet intervalle.

Lorsqu’on ne considère que les rentes (sans tenir compte des retraits en capital), celles-ci ont baissé en termes réels de 9 % entre 2015 et 2022. En revanche, si l’on y intègre les versements en capital convertis en rentes, la baisse des rentes équivalentes est réduite de moitié environ (–5 %) en appliquant un taux de conversion moyen, voire seulement de –1 % en appliquant le taux de conversion minimum. La prise en compte du capital retiré relativise ainsi les signaux alarmistes décriant une forte baisse des prestations dans le deuxième pilier.

Augmentation pour les femmes

L’évolution des prestations, comprenant les capitaux convertis, varie fortement selon le genre. Les rentes équivalentes des femmes ont augmenté de 2015 à 2022 entre 2 et 6 %, selon le taux de conversion utilisé. Ces augmentations sont d’autant plus remarquables que ces rentes annuelles plus élevées sont versées environ 4 mois de plus, en raison de l’augmentation de l’espérance de vie des femmes sur cette période. Cette évolution est très différente de celle des hommes pour qui les rentes équivalentes ont chuté entre 4 et 9 % sur la même période, mais pour une augmentation de l’espérance de vie de 7 mois.

L’évolution différente selon le genre découle de deux types de facteurs. D’une part, des facteurs individuels qui reflètent les choix des individus concernant leur parcours professionnel : leur taux d’occupation, la durée d’interruptions de carrière pour s’occuper de leur famille ou poursuivre une formation. Manifestement, la participation plus forte des femmes sur le marché du travail explique en partie l’augmentation de leurs rentes équivalentes. D’autre part, les prestations dépendent de facteurs systémiques. Les organes paritaires des caisses de pension peuvent offrir des prestations allant au-delà des exigences minimales de la LPP, choisir une stratégie de placement permettant de meilleurs rendements ou ajuster les paramètres techniques pour garantir une meilleure justice intergénérationnelle.

Reflet de nos choix et priorités

Le financement du deuxième pilier par capitalisation rend ainsi visibles les conséquences des choix des individus concernant leur carrière professionnelle, des organes paritaires des caisses de pension ou du monde politique, par exemple concernant la fixation de l’âge de départ à la retraite. Il est important que les assurés réalisent les conséquences de ces décisions individuelles et collectives.

Cette transparence inhérente au système de capitalisation ne doit pas être considérée comme une faiblesse. Au contraire, c’est grâce à elle que les organes paritaires des caisses de pension ont continuellement ajusté leurs prestations et les cotisations salariales pour répondre aux besoins des assurés et s’adapter à la réalité des marchés financiers. Cette organisation décentralisée et responsable a aussi le mérite de juguler la tentation du monde politique de promettre des prestations qui devront être assumées financièrement par les prochaines générations.

Découvrez notre analyse complète à ce sujet «Un deuxième pilier plus solide qu’en apparence.»

Cet article a été publié dans la dernière édition du magazine de Prévoyance professionnelle Suisse.