Dans un contexte de globalisation, le concept de souveraineté ne peut plus seulement s’entendre comme autonomie nationale. Ceci est aussi vrai pour la Suisse. Affirmer sa souveraineté, c’est reconnaître l’interdépendance globale, celle de l’Europe, mais aussi vis-à-vis de l’Europe. Ainsi, l’Europe est à la croisée des chemins. Si l’élan de la construction européenne ne se brise pas sur la crise de l’euro, on devra tabler sur une intégration forcé; et la voie bilatérale pourrait arriver à son terme plus rapidement que nous ne le souhaitons. Si la Suisse compte préserver sa souveraineté, pour continuer à garantir sa prospérité, sa liberté et sa sécurité, il lui faut une nouvelle politique européenne prospective et stratégique. Une nouvelle édition de l’EEE, ou encore l’examen d’une adhésion à l’UE, sous condition de conserver le franc suisse, pourraient s’accompagner d’importantes « libertés », ou en ouvrir de nouvelles, en terme de souveraineté. En outre, étant donné que la souveraineté est de plus en plus interprétée comme un espace de manœuvre au plan international, la création d’une alliance globale des « small and medium states » ouverts au commerce est également proposée dans cette étude.

Si l’on comprend la souveraineté comme l’autodétermina-tion nationale dans un contexte international, alors la Suisse a souffert ces deux dernières années. Les pressions sur la place financière, notamment sur le secret bancaire, de même que la crise libyenne, qui n’aurait pas pu être surmontée sans l’accord de Schengen, ne sont que deux exemples prouvant que presque rien ne peut être atteint en suivant une stratégie du « cavalier seul ». En outre, la souveraineté est davantage perçue aujourd’hui comme un espace de manœuvre et d’influence exercée au plan international. La Suisse, qui a traditionnellement défini, et avec succès, sa souveraineté comme autonomie nationale est donc doublement mise à l’épreuve. Dans la nouvelle publication d’Avenir Suisse, dix auteurs abordent la question de ce que signifie concrètement la souveraineté pour la Suisse, et comment elle peut être sauvegardée à l’avenir. Une nouvelle politique prospective européenne est ici tout autant requise que le renforcement des alliances globales.

Jusqu’à maintenant, la Suisse a su s’y prendre pour imposer sa stratégie de souveraineté. La politique extérieure, la politique européenne en particulier, impliquait en premier lieu une politique économique extérieure. La Suisse est ainsi parvenue à une ample intégration dans le marché intérieur de l’UE tout en restant relativement indépendante aux niveaux politique et institutionnel. Cette stratégie de souveraineté trouve son couronnement dans la voie bilatérale avec l’UE, initiée après le non à l’EEE de 1992. Or précisément, ce succès a entraîné une sorte d’« interdiction » à la réflexion européenne. Mais il convient d’y remédier, notamment à la lumière des événements récents et d’élaborer ainsi de possibles scénarios pour le futur.

Par ses analyses et ses propositions, Avenir Suisse désire contribuer au débat, en Suisse, sur la politique européenne, tout en attirant globalement l’attention sur les nouvelles opportunités. Elles doivent rendre la Suisse apte, selon l’évolution de ces prochaines années, à s’engager au bon moment, bien préparée et dans la meilleure voie possible.
La publication «La souveraineté en cause : L’autodétermination sous de nouveaux auspices» comporte en première partie, après un avant-propos des éditeurs, cinq contributions fondamentales quant à la conception de la souveraineté étatique. Georg Kohler, Franz von Däniken, Thomas Maissen, Jürg Martin Gabriel et Dieter Freiburghaus couvrent la notion de souveraineté du point de vue conceptuel, historique, actuel, européen et international. Dans la deuxième partie, Heinz Hauser, Ernst Baltensperger, Christian Keuschnigg et Martin Kolmar, de même que Urs Meister et Carl Baudenbacher, analysent les « marges d’actions » de la Suisse en matière de souveraineté, dans sa politique de commerce extérieur, monétaire et fiscale, dans sa politique des ressources et de l’énergie, ainsi que dans la jurisprudence. L’ouvrage s’achève sur un bilan et une perspective de Katja Gentinetta, où la marge de souveraineté de la Suisse en Europe fait l’objet d’une analyse globale avec l’énoncé de propositions sous forme de trois mesures prospectives et stratégiques possibles.