L’étude d’Avenir Suisse sur le secteur des fondations en Suisse, publiée en allemand en automne dernier, est désormais disponible dans sa version intégrale en français. Avec ses 12 900 fondations d’utilité publique dont le capital total est estimé à 70 milliards de francs, la Suisse bénéficie d’une culture des fondations extrêmement développée. Le monde des fondations suisses est cependant en pleine mutation et certaines de ses faiblesses pourraient être corrigées. La publication rédigée par Daniel Müller-Jentsch, directeur de recherches à Avenir Suisse, analyse le paysage philanthropique suisse et formule des propositions de réformes pour contribuer à son développement.

Les nombreuses fondations implantées en Suisse jouent un rôle central dans des domaines tels que la culture, la formation et la santé. La culture du don est très répandue en Suisse par rapport à d’autres pays. Le patrimoine cumulé des fondations d’utilité publique est évalué à plus de 70 milliards de francs, et leurs contributions financières annuelles à des projets d’utilité publique estimé entre 1,5 et 2 milliards. Près de 400 nouvelles fondations sont créées chaque année.

Depuis une quinzaine d’années, le monde des fondations suisses connaît d’importantes évolutions. De nombreuses initiatives contribuent à la professionnalisation du domaine. Le droit suisse des fondations a été révisé en 2006 et l’autorité de surveillance fédérale a été récemment restructurée et renforcée en personnel. Néanmoins, certaines faiblesses persistent: le secteur des fondations est très fragmenté, avec de nombreuses petites institutions, souvent inactives ou peu actives; il n’y a que peu d’informations disponibles sur le secteur dans son ensemble et l’activité de fondations; la structure des autorités cantonales de surveillance reste complexe.

En principe, les conditions-cadres du secteur devraient être définies de sorte à ce que les dons aux fondations soient en augmentation et toujours plus efficaces. Dans cet esprit, cette étude dessine de nombreuses mesures favorables au développement de cet important secteur, en s’inspirant souvent d’exemples étrangers :

  1. Des incitations à la consolidation: afin de corriger la fragmentation du secteur, les fondations devraient beaucoup mieux coopérer; les obstacles réglementaires à des fusions devraient être abolis. Une autre option serait que l’État impose un taux de distribution minimal – comme aux États-Unis, où les fondations d’utilité publique ont l’obligation de consacrer annuellement au minimum 5 % de leur capital à la réalisation de leur but statutaire. Ceci empêche le maintien de fondations inactives (qui s’administre uniquement encore elles-mêmes).
  2. Encouragement à la transparence: l’Office fédéral de la statistique devrait recueillir des données complètes sur l’ensemble du secteur et créer un Registre national des fondations – une base de données en ligne sur les fondations d’utilité publique. Une obligation de publication de données élargie pour les fondations d’utilité publique devrait être examinée.
  3. Un droit des fondations plus efficace: afin de prévenir des abus, le droit des fondations devrait être complété par un article sur la « bonne gestion de la fondation », dans lequel seraient ancrés quelques principes importants, tels que l’extension du droit d’intervention de l’autorité de surveillance ou des mesures pour la prévention de conflits d’intérêts. Les fondations qui resteraient inactives durant de nombreuses années devraient se voir retirées leur caractère d’« utilité publique ».
  4. Une surveillance des fondations plus incisive: les autorités cantonales de surveillances des fondations d’utilité publique devraient être séparées de celles pour les institutions de prévoyance professionnelle, et être rassemblées par régions (comme pour les institutions de prévoyance). Cela permettrait une spécialisation et une réunion des compétences – en fin de compte, une surveillance plus efficace.
  5. Ouvrir des activités étatiques au mécénat: par la délégation de fonctions étatiques à des fondations (notamment culturelles), celles-ci pourraient être ouvertes à des engagements privés ayant une dimension d’utilité publique. Contrairement à ce qui prévaut en Allemagne, en Autriche ou au Liechtenstein, la Suisse n’a que fort peu utilisé jusqu’à présent l’instrument de la fondation de droit public d’utilité publique.