La description de la structure actuelle de l’habitat suisse catégorisé par l’antagonisme «ville-campagne» est dépassée. Nous vivons dans un collage d’éléments urbains, de banlieue et ruraux, qui ensemble forment une zone de condensation à plusieurs noyaux de diverses agglomérations. Un volume collectif publié aujourd’hui par Avenir Suisse sous le titre «Stadtland Schweiz» traite de la modification de ces diverses réalités spatiales. Un groupe d’analystes prépare de cette façon les bases pour la perception d’une Suisse urbaine ainsi que pour le débat sur les futures questions du développement spatial et de la politique d’agglomération. Le livre, auquel ont participé un grand nombre d’auteurs renommés suisses et étrangers, fait un recensement des aspects géographiques, urbains, sociologiques, politiques et économiques. Son résultat essentiel : La formation spatiale actuelle en Suisse place le pays face à des tâches politiquement difficiles. Leur accomplissement met en cause entre autres les conditions institutionnelles générales du fédéralisme.

La prospérité et la qualité de vie élevée en Suisse sont entre autres le résultat d’une économie politique capable d’innovation et de compétition. En même temps, les processus d’innovation renvoient parfois à des dimensions et conditions spatiales qui ne doivent pas être sous-estimées : le changement structurel des années 90 par exemple a amené dans l’économie suisse de nouvelles formes spatiales, souvent transfrontalières des activités de l’entreprise – par exemple dans les secteurs de l’approvisionnement, de la distribution, de la logistique, de la recherche et du développement. Des telles apparitions ne sont certes pas nouvelles, elles se sont toutefois récemment intensifiées et diversifiées. L’engagement renforcé des entreprises suisses à l’étranger, la compétition avec les marchés globalisés, mais également l’utilisation des rares ressources comme le sol, l’eau, etc. représentent de grands défis pour l’aménagement du territoire suisse. La capacité à se tourner vers l’avenir du pays se révèle entre autres par l’adaptabilité des acteurs économiques, politiques et sociaux concernant les conséquences spatiales du changement structurel global.

Ce sont essentiellement trois champs de problème que la Suisse doit aborder comme les espaces vitaux, de travail et de pensée tournés vers l’avenir.

Espace de problèmes 1 :

La paysage urbanisé comme résultat du changement socio-économique

La Suisse se présente aujourd’hui comme une structure de peuplement décentralisée développée marquée par plusieurs centres urbains. Le long des deux axes d’agglomérations croisés de Bâle à Lugano et de Genève à St Gall, env. 5 millions d’habitants sur 15’000 km2 sont répartis dans les grandes agglomérations de Zurich, Genève, Bâle, Berne, Lausanne et Lugano. Récemment, formellement depuis le rapport du Conseil fédéral «Principes fondamentaux de l’aménagement du territoire suisse» (1996), l’idée est généralement admise que l’espace urbain, économique et vital en Suisse ne peut plus continuer à être restreint à l’opposition ville-campagne. L’image abstraite d’un système de villes en réseau et/ou d’une «Suisse en tant que ville» l’a remplacée.

Le point de départ pour la définition de la notion «Stadtland Schweiz» est un collage développé ces dernières décennies d’éléments urbains, de banlieue et ruraux représentant un espace de condensation et de concentration à plusieurs noyaux de dimension internationale (comme par exemple les grandes capacités urbaines de Londres ou de Chicago). «Stadtland Schweiz» ne renvoie toutefois pas seulement aux caractéristiques architecturales-spatiales des processus de modernisation jusqu’ici. Ce terme technique indique également que les différences culturelles et sociales entre les villes et les campagnes se sont nivelées. Certaines façons de vivre mais aussi des processus d’innovation et de production sont d’autant longs lorsqu’ils sont moins liés à des endroits déterminés.

Espace de problèmes 2 :

La construction de l’état fédéraliste et la répartition des compétences

Les conditions institutionnelles générales du fédéralisme n’illustrent plus que faiblement la politique territoriale des interdépendances architecturales, relatives à la technique du transport et fonctionnelles sur le territoire urbain suisse. Le plateau suisse – centre géographique de «Stadtland Schweiz» –, pays urbain, est «coupé» sur la base de sa structure politique par une multitude de frontières cantonales et communales: les zones d’activités politico-administratives coïncident toujours moins avec les zones d’attraction spatiales-économiques. Ce phénomène n’indique pas seulement des «décalages» de compétences entre un secteur national et privé, des problèmes croissants de compétence, de coordination et de régulation apparaissent aussi entre différents niveaux fédératifs et/ou aux mêmes niveaux (par exemple entre cantons). Le besoin de coopération – avant tout en ce qui concerne la mise à disposition de l’infrastructure matérielle et «immatérielle» – ne s’arrête pas, notamment dans les régions d’agglomérations, aux frontières cantonales et nationales, et souligne ainsi la «non-concordance» croissante des zones d’activité politique et des espaces de problèmes socio-économiques. La conception politique indispensable du développement spatial lance par conséquent de nouveaux défis au fédéralisme suisse: il s’agit d’innovations institutionnelles qui peuvent expliquer les processus franchissant les frontières locales et les renforcer.

Espace de problèmes 3 :

Concurrence d’implantation globale et changements dans les grandes régions

Au cours de la globalisation, une discussion sur l’efficacité des collectivités territoriales a commencé: des lieux, des régions et des pays sont placés actuellement dans une situation de concurrence d’implantation internationale, dans le cadre de laquelle il s’agit d’acquérir des capitaux et/ou des investisseurs, qui devraient de leur coté créer des places de travail. Sans encastrement dans une région économique plus grande, il ne devrait plus y avoir que peu de chances pour certains lieux et/ou villes suisses d’offrir des structures optimales pour l’implantation des entreprises et donc de faire leurs preuves dans la concurrence d’implantation internationale. La politique d’agglomération suisse doit être spécialement conçue afin de renforcer le rôle des villes considérées comme des moteurs de l’économie. La compétitivité de la Suisse est donc aussi un défi de l’aménagement du territoire. En effet, les données spatiales sont d’une importance capitale afin de garantir le développement ultérieur de la compétitivité ainsi que le renforcement des avantages d’implantation. En outre, il faut une mise en réseau renforcée d’un management d’implantation économique et politique avec une politique d’agglomération et du territoire d’orientation durable (nationale), qui garantisse l’efficacité aussi bien des infrastructures que des facteurs écologiques et topographiques. Dans ce contexte, se pose par exemple la question: dans quelle mesure et combien de temps faut-il maintenir le dogme de la décentralisation du peuplement suisse.

«Stadtland Schweiz» : hypothèses de travail

  • La dynamique spatiale des dernières décennies s’est concrétisée dans différentes nouvelles formations spatiales multifonctionnelles. Glatttal-Stadt, théoriquement quatrième ville de Suisse, la métropole Lémanique ou le triangle Insubria sont des exemples suisses d’un développement qu’on constate au niveau mondial (Randstad Hollande, espace Boston etc.). Ces structures économiquement puissantes et dynamiques ne disposent d’aucune limites officielles et seulement rarement d’une personnalité juridique (modeste).
  • Une participation réussie à la concurrence globale exige prioritairement des infrastructures médiatiques et de transports efficaces, notamment le raccordement de la Suisse à un réseau de grande vitesse européen et une concurrence en état de fonctionner dans le secteur de la communication. En outre, pour un emplacement suisse compétitif, l’accès sans problèmes et la proximité des marchés financiers globaux, des établissements d’enseignement supérieur et des prestations de services spécifiques sont indispensables.
  • La concurrence globale conduira à une dynamique spatiale continue, qui met en cause la division du travail actuelle dans la politique et celle entre la politique et le secteur privé. Le fédéralisme suisse doit chercher de nouveaux moyens qui assurent la cohésion du pays sans menacer en même temps la capacité de développement économique du pays. Etant donné que l’importance des frontières cantonales et nationales a tendance à diminuer, un défi vital pour la politique pourrait en outre être de réfléchir, lors de la formation des espaces vitaux et économiques des grandes régions compétitives, sur les compétences et délimitations des frontières de politique nationale (par exemple concernant les coopérations transfrontalières ou les institutions à fonction spécifique au niveau moyen, etc.).
  • L’aménagement du territoire existant est le point de départ de toute politique de développement spatial. Des interventions ponctuelles et des mesures concernant l’infrastructure ainsi que de nouvelles formes de coopération (surtout dans les agglomérations) peuvent renforcer les qualités spécifiques de l’implantation économique et de l’espace vital suisse. A cet effet, la planification du développement spatial et des mesures architectoniques peuvent apporter des contributions essentielles.