Depuis plus d’une décennie, l’économie suisse ne se développe que lentement. Notre pays a perdu la plus grande partie de son avance en matière de prospérité. D’autres Etats ont rattrapé la Suisse ou l’ont déjà laissée derrière eux. Il est peu réaliste d’espérer un renversement spontané de cette tendance. Il vaut mieux miser sur des initiatives courageuses en matière de politique économique. Le rapport du Conseil fédéral sur la croissance a mis le doigt sur toute une série d’importants domaines politiques nécessitant une réorientation. La politique fiscale en fait aussi partie. En effet, la concurrence en la matière induit des réformes un peu partout dans les Etats axés sur l’économie mondiale. Le «train de mesures pour une politique de croissance» du Conseil fédéral comprend, avec la deuxième réforme de l’imposition des sociétés, un projet visant à réduire les distorsions du système fiscal et à créer des incitations à l’investissement. Mais c’est surtout à l’étranger que l’on a pu constater à quel point une réforme fiscale profonde était à même de renverser une tendance économique négative. L’Irlande, autrefois en retard en termes de croissance économique, l’a démontré de manière frappante. Dernièrement, de nombreux autres pays ont nettement diminué la charge fiscale des entreprises ainsi que les impôts sur le revenu de l’épargne, afin d’améliorer leur compétitivité fiscale sur le plan international et d’attirer les investissements en accroissant l’attractivité de leur place économique.

Ainsi l’attrait de la Suisse, au niveau fiscal, n’est plus si grand aujourd’hui qu’auparavant. La croissance économique nécessite que les ménages et les investisseurs soient disposés à ne pas dépenser immédiatement ce qu’ils gagnent, mais à l’utiliser pour épargner et investir. C’est ainsi seulement qu’une plus grande prospérité pourra être financée à partir des revenus. L’imposition des produits du capital, qui diminue pour les personnes privées le rendement de l’investissement et de l’épargne agit comme un frein à la croissance. Une imposition élevée des revenus du capital tue l’attrait de la place économique et favorise la fuite des capitaux, dans une économie mondiale où les marchés financiers sont intégrés et où les entreprises opérant au niveau international prennent une importance toujours plus grande. Ces réflexions aboutissent à la conclusion que l’imposition des entreprises constitue un élément important de toute politique de croissance. Avec le scénario de réforme radicale présenté ici, Avenir Suisse veut sortir le débat sur la réforme de son habituelle fixation sur la politique de répartition et favoriser l’émergence d’une vision économique à long terme. Alléger fiscalement le facteur mobile de production capital ne revient pas, si l’on considère le développement des processus de croissance, à avantager de manière unilatérale «l’économie» ou «les personnes fortunées». La vision économique met l’accent sur les effets produits à long terme par les réformes sur la croissance. Ainsi, la question décisive n’est plus de savoir qui paie un impôt, mais de savoir qui, une fois achevés les processus d’adaptation et de transfert que celui-ci déclenche, doit assumer économiquement la charge fiscale correspondante. C’est surtout dans les petites économies ouvertes, présentant une mobilité élevée du capital, qu’une imposition trop forte de ce facteur mobile de production nuit aux investissements, favorise le transfert d’activités à l’étranger et, dans le pays même, dégrade la situation de l’emploi et diminue les salaires. De la sorte, la charge fiscale effective touche principalement, sous forme de manque à gagner, le facteur de production «travail», peu mobile. Dans une perspective à long terme, il n’y a donc aucun conflit entre les salariés et les investisseurs.

En fin de compte, d’où proviennent les hauts salaires, si ce n’est d’un équipement moderne des postes de travail et d’une avance des entreprises au niveau du savoir-faire ? Et comment peut-on assurer les futures recettes fiscales pour le financement des prestations étatiques et des institutions sociales si ce n’est en donnant à l’économie la capacité durable de générer des salaires et des bénéfices élevés, qui pourront être imposés ? En outre, une imposition modérée des produits de la fortune augmente le revenu disponible, non seulement pour les riches, mais pour de larges couches de la population. On le sait bien, en Suisse plus encore que dans la plupart des autres pays socialement développés, presque tous les salariés sont des investisseurs, sous une forme ou une autre. Une réforme radicale de l’imposition des sociétés en Suisse. Le scénario de réforme présenté ici repose, au niveau de sa cohérence logique interne, sur la théorie fiscale de la science économique moderne. Les incitations positives à épargner et à constituer du capital y jouent un rôle central. Les effets que ce concept de réforme produit sur l’économie y sont évalués à l’aide de simulations basées sur un modèle de croissance. Comme critère essentiel, ce scénario considère le succès économique à long terme du système fiscal, respectivement de la réforme fiscale, au niveau des paramètres de l’économie générale (capital national, PIB, salaires, consommation). Bien que cette réforme rattache ses éléments au système fiscal suisse actuel, renonçant ainsi à l’idée irréaliste de faire table rase, l’avantage de ce concept radical réside dans sa fonction de modèle pour le débat sur la réforme, et non pas dans sa capacité de réalisation directe. En présentant, et en soumettant au débat, des alternatives en matière de politique fiscale, il accroît la conscience générale de l’utilité d’engager des réformes courageuses.