Xavier Comtesse

Xavier Comtesse: «La Métropole doit se concevoir selon une géométrie variable, sans définition territoriale précise.»

Il est dans la nature d’Avenir Suisse de faire des coups pour marquer les esprits et faire avancer les politiques publiques. Hier, Xavier Comtesse, directeur romand de cet atelier de réflexion d’inspiration libérale, a réédité l’exercice à la Pastorale, villa patricienne du quartier de la Genève internationale, où est installé le Club suisse de la presse.

Référence pour tous

Le titre de l’ouvrage collectif présenté à cette occasion est pourtant nettement moins provocant qu’à l’habitude: Gouvernance à géométrie variable, perspective lémanique laisse même entrevoir une approche académique. C’est que l’idée qui se cache là derrière, celle de la «Métropole», n’est plus une audace intellectuelle. En quelques années, cette notion est devenue un projet qui, sous des formes diverses, a été mis en chantier aux quatre coins du pays (lire ci-contre).

Du coup, le nouvel ouvrage d’Avenir Suisse a pour vocation de «faire référence», de façon à dresser un état des lieux qui concerne bien sûr l’évolution du fonctionnement des institutions, mais aussi l’organisation de la vie quotidienne des habitants du bassin lémanique, qu’il s’agisse de mobilité, de logement, d’emploi, d’école ou de santé.

Le bon assemblage

En 240 pages, une voie à suivre se dégage des huit chapitres rédigés par neuf auteurs. L’un d’eux, l’avocat Laurent Matile, résume joliment l’intention: «Notre logique tient en un terme vinicole, celui d’assemblage. Comme un vigneron qui tend non pas vers la quantité mais vers la qualité, nous ne cherchons pas à créer de nouvelles lois, mais à assembler au mieux celles à disposition pour créer un grand cru.» Donc pas question d’envisager de grands chambardements, mais au contraire une démarche par projet, qui associe un cercle plus ou moins large d’acteurs publics en fonction des domaines abordés (transports, promotion économique, culture…).

Les métropoles suisses selon la taille du territoire

Selon la Confédération, Bâle, Zurich et la région lémanique sont des espaces métropolitains. Berne revendique ce statut.

Un constat ouvre l’ouvrage: «La Métropole lémanique est en marche.» Mais elle n’est pas seule dans ce cas. Les espaces régionaux de Bâle, de Zurich et de Berne viennent de se constituer sous des formes juridiques diverses, que Laurent Matile passe au crible. Dans sa contribution, l’avocat livre ainsi, selon la formule de Xavier Comtesse, «un fondement théorique et juridique à la construction d’un espace métropolitain lémanique fait de territoires binationaux et multicantonaux qui regroupent plus d’un demimillier de communes».

Géométrie variable

D’où la proposition de Métropole à géométrie variable. Ce qui implique des conventions, accords ou contrats par domaine, «sur le modèle des concordats intercantonaux qui ont permis au fédéralisme helvétique d’évoluer», observe à son tour l’historien Olivier Meuwly, grand spécialiste du radicalisme vaudois.

Les mêmes métropoles selon le poids économique

Sur cette carte, la dimension territoriale des communes formant des métropoles est traduite en proportion du poids économique. Alors qu’elles occupent 10% du territoire, les métropoles produisent 57% de la richesse du pays.

Parmi les autres contributions, celle du professeur neuchâtelois Claude Jeanrenaud, spécialiste des économies régionales, fait l’inventaire des diverses sortes de gouvernance possibles avec le souci de maintenir «l’équilibre entre collaboration et concurrence» pour parvenir à des prestations performantes. En conclusion, Xavier Comtesse livre la quintessence de cet ouvrage collectif sous la forme de quatorze recommandations pratiques, qui ont pour obsession de ne créer «ni strate institutionnelle supplémentaire ni supplément de bureaucratie».celle du professeur neuchâtelois Claude Jeanrenaud, spécialiste des économies régionales, fait l’inventaire des diverses sortes de gouvernance possibles avec le souci de maintenir «l’équilibre entre collaboration et concurrence» pour parvenir à desprestations performantes.

En conclusion, Xavier Comtesse livre la quintessence de cet ouvrage collectif sous la forme de quatorze recommandations pratiques, qui ont pour obsession de ne créer «ni strate institutionnelle supplémentaire ni supplément de bureaucratie».

«Cette démarche renforce notre poids à Berne»

Chef de l’Office des affaires extérieures du canton de Vaud, Roland Ecoffey a assisté, hier, à la présentation de Gouvernance à géométrie variable. Il rapproche les réflexions d’Avenir suisse des pistes que suivent les cantons lémaniques.

Votre première réaction?

C’est de saluer cet ouvrage qui tombe à point nommé, en plein débat autour d’une problématique qui préoccupe autant les Bâlois et leurs voisins français et allemands, les Zurichois, les Bernois que nous autres Lémaniques. Pour l’heure, je n’ai pu que feuilleter ce nouvel ouvrage d’Avenir Suisse. Les propositions et les pistes que nous explorons nous-mêmes sont proches de celles avancées par les auteurs. Comme eux, nous aspirons à une Roland Ecoffey, chef de l’Office vaudois des affaires extérieures conception de la métropole qui ne soit pas figée, à une action politique qui s’organise par domaines, avec des partenaires qui s’associent sur la base d’accords spécifiques à chacun des projets. L’idée consiste à développer les collaborations par des conventions selon des règles existantes et déjà pratiquées avec Genève et d’autres cantons.

En résumé, ces principes seront-ils à la base des «règles de gouvernance» que vous êtes appelés à présenter d’ici à la fin de l’année aux Conseils d’Etat genevois et vaudois?

Très certainement puisqu’ils sont déjà à l’origine des collaborations que pratiquent les deux gouvernements depuis 2009. C’est dans cet esprit que, cette année-là, fut conçu le protocole d’accord sur les infrastructures d’importance supra-régionale qui a notamment conduit au préfinancement commun des aménagements ferroviaires entre Lausanne et Genève, auquel s’ajoutait la participation des Vaudois au capital de Palexpo. Signé en novembre dernier, l’accord qui fonde la Métropole lémanique s’inscrit dans la continuité de cette collaboration appelée à évoluer.

Faut-il comprendre que cette métropole est davantage sur ses rails qu’on ne le croit?

Avec nos homologues genevois, nous sommes en contact permanent. Sans doute faudra-t-il encore étendre cette culture de collaboration. Mais elle prévaut depuis plusieurs années déjà. Les responsables tant politiques qu’administratifs des deux cantons qui sont concernés par les projets d’infrastructures, par exemple, se connaissent parfaitement et échangent régulièrement, notamment dans le cadre du projet Léman 2030 qui réunit aussi la Confédération, avec l’Office fédéral des transports et les CFF. Par ailleurs, la Métropole lémanique renforce l’influence du deuxième pôle économique du pays sur la scène fédérale, un objectif également visé par les métropoles zurichoise et bâloise, qui sont elles-mêmes en voie de structuration.

Cet article est paru dans «24 heures» du 18 avril 2012.