Le médicament le plus cher autorisé à ce jour en Suisse coûte près de 2,2 millions de francs par dose. La question se pose alors: quel peut être le prix d’un médicament et qui peut en bénéficier ?

Une grande question qui suscite toujours des discussions délicates et à laquelle il n’est pas facile de répondre. Mais plus ces médicaments très innovants et coûteux arrivent sur le marché, plus nous devons nous pencher sur cette question. Cela dépend avant tout de ce que la société est prête à payer pour une année de vie supplémentaire. Déterminer la valeur d’une vie peut sembler discutable d’un point de vue éthique, mais dans d’autres domaines de la vie publique, comme la sécurité routière, cette approche est ancrée dans les mœurs.

Combien la population suisse est-elle prête à payer pour une année de vie supplémentaire ?

Plusieurs études se sont penchées sur la disposition à payer et les valeurs varient en Suisse entre 100 000 et 250 000 francs par année de vie en bonne santé. Le prix d’un médicament pourrait à l’avenir dépendre de la valeur que la société accorde à une telle année de vie gagnée.

Comment cette valeur pourrait-elle être déterminée ?

Le concept des années de vie ajustées par la qualité («quality-adjusted life-year», Qaly) serait possible. Il s’agit de calculer combien de Qaly un nouveau médicament apporte par rapport aux traitements existants. Le débat politique sur ce que pourrait coûter exactement un Qaly supplémentaire en Suisse et sur la manière dont cette valeur doit être répartie entre l’industrie pharmaceutique et la société doit toutefois encore être mené.

Le prix élevé d’un médicament est une chose, son accès en est une autre. Pourquoi attendons-nous souvent beaucoup plus longtemps que nos voisins européens pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché des traitements ?

Avec moins de 9 millions d’habitants, la Suisse ne représente qu’environ 2,8 % du marché pharmaceutique européen ou 0,6 % du marché mondial. A titre de comparaison, le marché européen, avec ses 420 millions d’habitants, est nettement plus intéressant pour les fabricants pharmaceutiques. Nous devons donc créer des conditions-cadres attrayantes pour les entreprises pharmaceutiques sur le petit marché suisse.

Avec moins de 9 millions d’habitants, la Suisse ne représente qu’environ 2,8 % du marché pharmaceutique européen ou 0,6 % du marché mondial. (Unsplash, Christina Victoria)

A quoi devraient ressembler de telles conditions-cadres ?

En premier lieu, les procédures d’autorisation devraient être simplifiés et les prix maintenus à un niveau compétitif. Il est toutefois difficile de négocier les prix des médicaments très innovants. D’une part, ils ne peuvent pas être trop élevés, car ils pèseraient alors beaucoup sur les primes d’assurance maladie. D’autre part, s’ils sont trop bas, le marché suisse n’est plus attractif pour les entreprises pharmaceutiques. Pour que la négociation ne se transforme pas en simple jeu de pouvoir, il faut un système de fixation des prix satisfaisant pour tous, qui chiffre objectivement les bénéfices et empêche une explosion des primes. En d’autres termes, le prix doit être fixé en fonction de l’utilité pour la société. Parallèlement, un mécanisme de correction des prix est nécessaire si les médicaments sont très souvent prescrits.

La situation est particulièrement frustrante pour les médecins lorsqu’il existe un médicament, mais qu’il n’est pas encore autorisé en Suisse. Comment pourrait-on accélérer l’accès aux nouveaux médicaments ?

La réglementation suisse actuelle permet certes de recourir à des médicaments qui ne sont pas (encore) autorisés dans des situations exceptionnelles (art. 71a, b et c, OAMal). Toutefois, la charge administrative qui en découle est immense. Une possibilité serait par exemple que les médecins puissent immédiatement facturer un médicament aux assurances maladie à un prix provisoire si l’autorité des produits thérapeutiques Swissmedic l’a autorisé. L’OFSP et le fabricant auraient ensuite un an pour négocier le prix définitif. Conséquence : moins de lourdeur administrative pour le médecin et une prise en charge des coûts garantie pour le patient.

L’association des entreprises pharmaceutiques suisses Interpharma a fait une proposition très similaire l’année dernière, sans pour autant susciter un grand enthousiasme de la part de l’OFSP. Comment les procédures entre Swissmedic et l’OFSP pourraient-elles être optimisées ?

Aujourd’hui, la procédure d’autorisation est séquentielle : ce n’est qu’une fois que Swissmedic a autorisé un médicament que l’OFSP commence à négocier le prix avec l’entreprise pharmaceutique. Le processus pourrait être optimisé si les tâches étaient effectuées simultanément. Dans l’idéal, un entretien entre l’OFSP et le fabricant devrait avoir lieu bien avant qu’une demande ne soit déposée auprès de Swissmedic, afin de convenir des valeurs de référence pour l’évaluation des bénéfices et la négociation du prix.

Vous avez étudié les mécanismes de fixation des prix des médicaments très innovants. Quel est l’impact de ces médicaments coûteux sur nos coûts de santé ?

La part de tous les médicaments dans les coûts totaux de la santé est stable et se situe autour de 12 %. Souvent, les médicaments chers sont si spécifiques qu’ils ne sont destinés qu’à un très petit nombre de patients et se répercutent peu sur les primes d’assurance maladie.

La situation serait toutefois différente si un médicament très innovant contre une maladie répandue, comme la maladie d’Alzheimer, arrivait sur le marché.

La situation serait alors différente et les coûts de santé pourraient être fortement impactés. Pour ces cas, nous proposons un nouveau modèle de suivi des coûts qui prévoit une adaptation automatique des prix lorsque le coût d’un médicament dépasse les seuils de l’assurance maladie.

Cet entretien a été publié par MedInside le 31 août 2023 (en allemand).