En Suisse, le système de milice politique fait face à des difficultés croissantes au cours des dernières années. Cet affaiblissement se manifeste principalement à l’échelon communal où de plus en plus de communes peinent à pourvoir leurs autorités. Face à ce constat, Avenir Suisse avait considéré différentes mesures pour raviver ce fondement de l’identité suisse dans une publication parue en 2015. Parmi elles, la possibilité d’accorder des droits politiques aux résidents étrangers (et notamment le droit d’éligibilité au niveau local), qui représentent tout de même près de 25 % de la population en Suisse. Cette proposition est issue d’un paradoxe frappant : pour quelle raison des personnes qui paient leurs impôts et sont intégrées dans la vie locale n’auraient-elles pas le droit de participer aux décisions politiques qui les concernent ? Pourquoi «gaspiller» ces énergies de résidents qui se déclarent prêts à s’engager pour leur commune ?

Le taux de participation plus faible des étrangers ne serait pas lié à leur degré d’intégration

Le sondage mené en 2015 par Avenir Suisse auprès des communes des six cantons (VD, FR, NE, JU, AR, GR) accordant le droit d’éligibilité aux étrangers révélait cependant qu’en chiffres absolus, le nombre d’étrangers exerçant effectivement des fonctions politiques dans les communes restait relativement modeste. Cette retenue est également visible au niveau du droit de vote des étrangers, avec un taux de participation d’environ 10 % inférieur en moyenne à celui des votants de nationalité suisse. Comment expliquer cela ? Dans une récente étude du SFM de l’Université de Neuchâtel, Rosita Fibbi et Didier Ruedin ont analysé les élections municipales d’avril 2015 à Genève (canton dans lequel le droit de vote au niveau communal est accordé aux étrangers après une durée d’établissement de huit ans). Les auteurs démontrent pourquoi la participation des étrangers a été plus faible que celle des Suisses. D’après les résultats de leur sondage, cela tient en premier lieu à la condition sociale des communautés étrangères concernées. Leur participation moindre est liée à leur âge, leur niveau de formation et leur revenu plus bas que la moyenne de la population suisse, et non, comme on le croit souvent à tort, à leur degré d’intégration. Il est donc possible de favoriser leur participation en mettant en place des mesures incitatives et surtout en les informant mieux de leurs droits politiques.

Droit de vote des étrangers

Le taux de participation des étrangers aux votations est d’environ 10 % inférieur en moyenne à celui des votants de nationalité suisse. (image: Fotolia)

Identification forte avec la commune

Autre résultat intéressant : les étrangers interrogés s’identifient davantage à leur commune de résidence et font plus confiance aux autorités locales que leurs homologues suisses. Or c’est justement au sein des communes que la pénurie de personnel milicien est la plus marquée. Ce constat va dans le sens de la proposition d’Avenir Suisse de laisser aux communes qui le souhaitent la possibilité (sans obligation) d’accorder des droits politiques aux étrangers, sous certaines conditions telles qu’une durée de domiciliation minimale. Le droit d’être élu au niveau local permettrait aux étrangers qui en ont envie de s’impliquer et de donner quelque chose en retour à leur pays d’accueil. A plus long terme, l’exercice d’une fonction politique communale pourrait être l’une des formes de l’obligation de servir consacrée par un service citoyen universel, étendu aux femmes et aux étrangers établis. Avenir Suisse soutient l’idée d’un tel service citoyen (cf. livre «Etat citoyen et citoyens dans l’Etat», 2015).

Vers davantage de droits politiques ?

Dans différents cantons, des initiatives ont été lancées pour donner plus de droits politiques aux étrangers. Début juillet 2016, les Jeunes socialistes et jeunes Verts de Bâle-Campagne ont obtenu suffisamment de signatures pour faire aboutir une initiative accordant le droit vote aux étrangers. A Neuchâtel, le projet de droit d’éligibilité des étrangers au niveau cantonal a été adopté par le Parlement cantonal et sera soumis au vote populaire le 25 septembre prochain. Enfin, l’initiative d’Ada Marra pour une naturalisation facilitée des étrangers de la troisième génération a récemment passé la rampe du Conseil des Etats ; le peuple devra se prononcer sur la question. Le chemin vers davantage de droits politiques pour les étrangers s’annonce long et tortueux, avec des débats vifs et émotionnels, mais il en va de la légitimité démocratique de la Suisse.

Sur ce sujet, cf. l’étude d’Avenir Suisse «Pour la participation politique des étrangers au niveau local» (2015)