Le moment où les feuilles d’automne rougissent varie d’année en année. En revanche, on peut compter sur l’arrivée toujours plus précoce du débat sur la fixation du taux d’intérêt minimal. Cette année en effet, plusieurs organisations se sont activées dès la mi-août, bien que le taux d’intérêt minimal ne soit normalement fixé qu’en octobre. Le taux d’intérêt minimal prescrit les intérêts qu’une caisse de pension doit inscrire au crédit du capital d’épargne des assurés actifs. A savoir indépendamment de la performance des placements effective réalisée par l’institution de prévoyance concernée.

Débats politiques

Le taux d’intérêt minimal est fixé tous les ans par le Conseil fédéral qui se base sur les recommandations de la Commission LPP (Commission fédérale de la prévoyance professionnelle). Celle-ci est composée d’experts de la prévoyance professionnelle et de représentants des employeurs et des employés, élus par le Conseil fédéral. Rien de surprenant à ce que la fixation englobe des dimensions politiques. Le débat suit toujours le même modèle, des deux côtés au nom des assurés : les syndicats prônent une hausse des intérêts afin d’augmenter immédiatement les fortunes des assurés, tandis que les représentants des assurances et des caisses de pensions plaident pour des normes plus prudentes, car de trop fortes promesses menacent les finances des caisses à moyen terme et mettent ainsi à charge des assurés les mesures de redressement financier.

Le débat autour d’un taux d’intérêt «juste» est, année après année, accompagné des mêmes conflits techniques. Est-ce que la formule vers laquelle la Commission LPP s’oriente pour sa recommandation est opportune ? Est-elle trop conservative ? Donne-t-elle trop d’importance aux performances passées ? Est-ce que le moment choisi pour la fixation du taux d‘intérêt minimal – en avance pour l’année suivante ou après coup lorsque les rendements réalisés peuvent mieux être évalués – est adéquat ?

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Renchérissement ignoré

Mais le débat technique autour du taux d‘intérêt minimal passe à côté du véritable problème, car il ne se réfère qu’à une valeur nominale, indépendante de l’inflation. En tant qu’épargnant, il est toutefois essentiel de savoir à quel point l’intérêt du capital épargné est anéanti par l’inflation. Un taux d’intérêt minimal de 4% – comme appliqué dès l’introduction de la prévoyance professionnelle en 1985 et jusqu’à 2002 – semble au premier abord plus intéressant que le taux de 1,75% en vigueur en 2015. Mais un taux de 4% est bien peu utile lorsque les prix grimpent de 5% en une année, comme ce fut le cas par exemple en 1990 (voir tableau). A la fin de la journée, l’épargnant perd de l’argent, car le taux d’intérêt sur le capital ne compense pas la perte de pouvoir d’achat suite à la hausse des prix. Inversement, nous vivons en 2015 avec une inflation négative de -1%. A fortune nominale identique, le pouvoir d’achat de l’épargnant augmente, car le panier de la ménagère moyen devient 1% meilleur marché. Malgré un taux d’intérêt minimal de 1,75% en 2015, les assurés de la LPP profitent par conséquent d’un intérêt réel de 2,75% – quatre fois plus que lors de l’introduction de la LPP (1985 : 0.6%, voir tableau). De la même façon en 2003, lorsque le taux d’intérêt minimal nominal a diminué pour la première fois, le taux d’intérêt réel sur les avoirs de vieillesse s’élevait à 2,6%. Mais la réduction nominale du taux d’intérêt minimal d’alors a été mal perçue, donnant même naissance à l’expression «vol des rentes».

La capitalisation dans le 2e pilier est légitime même dans un contexte de taux d’intérêt bas

Le mélange des intérêts nominaux et réels ne concernent pas seulement la fixation du taux d’intérêt minimal. Dans le contexte actuel de baisse de taux d’intérêt, on entend toujours plus fréquemment le reproche que, par des rendements en dessous de 2%, le financement par capitalisation du deuxième pilier n’a plus de légitimité. Ici aussi le message repose sur une considération purement nominale. Aussi longtemps que le taux d’intérêt réel du capital est positif, le principe de capitalisation sera toujours intéressant, car le troisième cotisant fait augmenter la fortune réelle. En d’autres mots, le pouvoir d’achat des montants épargnés sera – même avec des rendements nominaux négatifs – non seulement maintenu jusqu’au moment de la retraite mais en plus augmenté. Et c’est finalement ce qui compte pour un futur retraité.