La consultation sur l’imposition individuelle s’est achevée récemment. Le résultat est mitigé. Cela s’explique notamment par les variantes de mise en œuvre proposées par le Conseil fédéral. Bien que les deux commissions de l’économie aient élaboré des modèles basés sur une imposition individuelle modifiée (également connue sous le nom de modèle d’Ecoplan ), le Conseil fédéral a finalement décidé de ne pas reprendre les recommandations. A la place, des variantes ont été élaborées, mais elles ont perdu de vue l’objectif visant une meilleure égalité des chances.

Propositions du Conseil fédéral

Concrètement, le Conseil fédéral a proposé deux variantes pour la mise en œuvre de l’imposition individuelle. Une première proposition, sous la forme d’une imposition individuelle pure, exige que tous les contribuables soient imposés au même barème. Il est en outre prévu que les déductions pour enfants d’un couple soient dorénavant prises en compte à parts égales dans les déclarations d’impôt individuelles. La deuxième variante prévoit que les couples mariés qui ne disposent pas d’un revenu secondaire ou qui ont un revenu secondaire faible puissent bénéficier d’une déduction sur le revenu le plus élevé.

Dans le projet du Conseil fédéral, les effets positifs sur l’emploi pour les femmes sont relégués au second plan et donc aussi la lutte contre la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. (Johny Goerend, Unsplash)

Le modèle d’Ecoplan qui propose une imposition individuelle modifiée prévoyait, contrairement aux variantes du Conseil fédéral, d’alléger la charge financière des familles avec enfants. Des possibilités d’allègement spécifiques pour les couples mariés n’ayant qu’un seul revenu n’auraient pas été ajoutées.

Critique des propositions du Conseil fédéral

Même si la variante d’Ecoplan et celle du Conseil fédéral permettraient de supprimer la pénalisation des couples mariés, on constate de grandes différences sur d’autres points. Dans certains cas, ce sont justement ces détails qui déterminent le succès du changement de système. On le voit avec le barème unique pour tous du Conseil fédéral : celui-ci conduirait à un net avantage fiscal pour les personnes mariées sans enfants. Toutefois, en premier lieu, il faudrait impérativement supprimer les incitations négatives au travail pour les mères afin d’atteindre une plus grande égalité des chances dans la vie professionnelle. Or, cet aspect est totalement occulté par le barème unique . L’imposition individuelle modifiée pourrait en revanche tenir compte de cette préoccupation en prévoyant un barème spécial pour les couples mariés avec enfants.

La deuxième variante du Conseil fédéral vise à introduire dans notre système fiscal (déjà suffisamment complexe) une déduction pour les couples mariés dont les revenus ne sont pas répartis de manière égale. Cette proposition est encore plus critiquable. Seule la charge fiscale du conjoint qui gagne le plus serait réduite. Le plus grand potentiel d’effets positifs sur l’emploi résiderait cependant dans la réduction des obstacles à l’imposition du second revenu. Ce n’est qu’ainsi que les freins à un engagement plus important des femmes sur le marché du travail peuvent être levés. Ce serait pris en compte dans le modèle d’imposition individuelle modifié. Mais comme ce facteur ne l’est pas dans la variante du Conseil fédéral, il est déconseillé de mettre en œuvre cette proposition.

Coûts administratifs du changement de système

Comme prévu, les coûts administratifs engendrés par le changement de système ont été largement critiqués lors de la consultation. En comparant les modèles du Conseil fédéral et d’Ecoplan, ce dernier marque toutefois davantage de points : avec une augmentation possible de l’emploi des revenus secondaires pouvant aller jusqu’à 60 000 postes à plein temps et des pertes fiscales moindres, l’imposition individuelle modifiée présente le rapport coûts/bénéfices le plus convaincant. La mise en œuvre du modèle d’Ecoplan permet donc de mieux atteindre l’objectif visant à créer des incitations à l’emploi pour les revenus secondaires, sans trop peser sur les caisses de l’Etat.

Dans le projet de loi du Conseil fédéral, les effets positifs sur l’emploi des femmes sont manifestement relégués au second plan et donc aussi la lutte contre la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. C’est pourquoi il faut privilégier la proposition d’une imposition individuelle modifiée qui, avec un barème spécial pour les parents et un meilleur rapport coûts/bénéfices, peut l’emporter sur les variantes de la Confédération. Il appartient maintenant au Parlement de corriger le projet de loi de manière que les objectifs d’égalité puissent néanmoins être atteints.