La dominance du modèle de développement «rose-vert» avec sa «politique autochtone» pour les grandes villes n’est pas seulement due aux représentations et valeurs politiques de l’électorat urbain ou à une migration des milieux bourgeois vers la périphérie. Elle est également liée à l’absence de contre-modèles attrayants. La politique urbaine telle que pratiquée par le camp bourgeois ces dernières années semble être impopulaire auprès de la population des villes. Pourquoi donc ?
Une des raisons principale est sans doute la manière malhabile dont les partis bourgeois transposent leur programme des communes périphériques ou rurales – où ils réussissent très bien – aux villes – où ils oublient de tenir compte des conditions urbaines. L’ADN politique de ces partis est, pour résumer grossièrement, façonné par des valeurs traditionnelles et des modèles de vie rurale qui sont incompatibles avec le mode de vie urbain de nombreux citadins. Ainsi, le camp bourgeois n’est pas adapté à l’esprit urbain et passe à côté des besoins de la population urbaine dans ses programmes.
Par exemple, une représentation genrée de la répartition des rôles et une image familiale traditionnelle ne cadrent pas avec la structure sociale urbaine qui se caractérise par des ménages uniques, des familles à double revenu ou des familles recomposées. Un propriétaire vivant dans la couronne d’agglomération n’a pas les mêmes attentes à l’égard de la politique qu’une population urbaine qui compte 80 à 90 % de locataires. Le multiculturalisme ou les communautés LGBT+ sont des aspects du «groove» urbain qui provoque souvent un certain malaise du côté bourgeois. Il en va de même pour les préoccupations en matière d’environnement et de politique climatique.
Pour les questions économiques locales, l’ADN rural de la politique urbaine bourgeoise se manifeste sous la forme d’une domination de la perspective commerciale. Les privilèges et les intérêts spécifiques de l’industrie sont défendus et la politique d’implantation est souvent réduite à des facteurs concrets. Cependant, les intérêts économiques sont plus que la somme des besoins des entreprises, en particulier dans les métropoles caractérisées par des structures économiques mondialisées. Des facteurs tels qu’un développement urbain de qualité ou une offre culturelle diversifiée sont tout aussi décisifs pour la réussite d’une politique d’implantation d’industries de haute technologie ou de services innovants. Les créateurs de start-ups et la «classe créative» sont particulièrement attirés par les métropoles avec une haute qualité de vie.
La situation est similaire en matière de politique des transports. La voiture est peut-être le moyen de transport de choix dans les zones rurales, mais de nombreux citadins préfèrent utiliser les transports publics ou le vélo pour gagner du temps. Des concepts qui fonctionnent dans les ceintures d’agglomération – étendre les infrastructures pour réduire le trafic automobile – sont voués à l’échec en ville, où l’espace est complètement différent. En outre, la politique urbaine bourgeoise traditionnelle manque souvent d’imagination dans le domaine de la planification urbaine ou de la préservation des monuments. Les efforts à faire dans ces domaines sont rapidement rejetés comme étant hostiles à l’activité économique ou relevant de l’économie planifiée.
Si les partis bourgeois veulent contrer le modèle rose-vert dominant dans les métropoles suisses avec une alternative urbaine moderne, ils devront se repenser. L’objectif est de leur «sortir le village de la tête». Des exemples de grandes villes internationales montrent que c’est possible.
Vous trouverez de plus amples informations dans l’étude «20 ans de politique urbaine suisse».