Avenir Suisse a eu l’honneur d’accueillir Alexandre Molla, directeur général d’Uber Suisse Romande, Véronique Polito, Membre du comité directeur du syndicat UNIA et le professeur Jacques-André Schneider, avocat spécialiste du droit du travail et des assurances sociales pour débattre de ce thème et des nouvelles formes de travail. L’Impact Hub, un espace de coworking, était en parfaite adéquation avec le thème de cette nouvelle conférence/débat modéré par notre directeur Romand Tibère Adler.

Comme une récente publication d’Avenir Suisse le montre, aujourd’hui, la Suisse est encore plutôt traditionnelle en ce qui concerne les nouvelles formes de travail: la part de travailleurs avec des contrats à durée indéterminée reste stable, mais la part de travailleurs effectuant plusieurs activités ou du temps partiel est en augmentation. Les plateformes technologiques de mise en correspondance de clients et de prestataires (telles que Uber) répondent ainsi à une demande, tant sur le marché que dans le monde du travail. Le développement de ces plateformes technologiques en suisses pose la question du statut des personnes exerçant leur activité professionnelle en s’affiliant à celles-ci. Quel statut leur donner: sont-elles indépendantes ou salariées? Quels devoirs incombent aux plateformes? Et comment adapter la sécurité sociale à l’aube de l’ère digitale? Voici les interrogations auxquelles les orateurs ont répondu durant ce débat.

Selon Jacques-André Schneider, ce qui guide le débat aujourd’hui c’est une certaine précarité et le manque de couverture du travailleur de plateformes. Les plateformes mettent la pression pour faire évoluer le cadre légal, alors qu’elles même subissaient une pression de l’Etat pour qu’elles s’insèrent dans le cadre légal actuel. Pour illustrer ses propos, le professeur Schneider a utilisé quatre exemples de jugements prononcés dans des pays anglo-saxons libéraux. Dans trois jugements sur quatre, le travailleur est considéré comme salarié de la plateforme. Cependant, de nouvelles initiatives voient le jour: à Austin (Texas), des chauffeurs de taxi se sont auto-organisés en coopérative d’indépendants, pour faire suite au départ d’Uber sur ce marché.

Alexandre Molla souligne qu’Uber a souvent obtenu des jugements qualifiant clairement d’indépendants les chauffeurs affiliés à la plateforme. Il défend le statut d’indépendant des chauffeurs et met en avant l’importance des plateformes en tant que tiers de confiance, ainsi qu’en tant que service d’intermédiation. Un chauffeur Uber n’est pas lié exclusivement à une seule plateforme et peut choisir ses horaires de travail, il a donc de facto un statut d’indépendant. Par ailleurs, la vision classique de l’indépendant ou du salarié n’est plus adaptée au monde numérique d’aujourd’hui. Alexandre Molla souhaiterait que le débat s’éloigne du statut des travailleurs, pour se recentrer sur le rôle des plateformes numériques concernant l’amélioration de la protection sociale des travailleurs et leur niveau de responsabilité. Il cite notamment en exemple la collaboration entre Axa assurance et Uber en France qui offre une couverture accident à ses chauffeurs.

Pour Véronique Polito le débat sur le statut des travailleurs de plateformes n’a pas lieu d’être. Il est clair pour le syndicat UNIA qu’il y a une relation d’employé/employeur. Elle tient à rappeler que ce point de vue est partagé par la SUVA et le SECO. Le cadre légal est donc suffisamment clair pour que les plateformes le respectent. Bien qu’il y ait une demande croissante de flexibilité de la part des employés, les acquis sociaux ne doivent pas être sapés.

Monsieur Schneider rappelle que la question du statut s’était déjà posée pour les travailleurs actifs dans le monde des acteurs culturels; des solutions peuvent ainsi être trouvées en suivant ce modèle. Par ailleurs, le statut de travailleur indépendant, inspiré d’une étude d’Avenir Suisse, est en cours de discussion sous la coupole fédérale. Ce statut serait un intermédiaire entre celui de salarié et d’indépendant. Encourageant ainsi la constitution d’une sécurité sociale minimale, à coûts partagés entre le donneur et le preneur d’emploi, en particulier pour les activités occasionnelles, irrégulières ou faiblement rémunérées (pour plus de détail, cf. l’étude «Quand les robots arrivent», page 59).

Un public de connaisseurs venu en nombre a démontré que ce sujet d’actualité fait beaucoup réagir et continuera d’être débattu dans les mois à venir. Nous remercions les orateurs et toutes les personnes présentes lors de ce Carrefour des idées pour leur participation et leurs avis éclairés sur le sujet.

Vous trouverez les principaux arguments de nos intervenants dans cette vidéo.