Le 26 septembre prochain, on votera sur une initiative populaire visant à augmenter sensiblement l’imposition des revenus du capital en Suisse. Mais à combien s’élève réellement cette charge fiscale ? Comment s’est-elle développée ces dernières années ? Pour le savoir, il ne faut pas uniquement prendre en compte les taux d’imposition des revenus les plus élevés.
Comme mentionné dans un article récent, les rendements de capitaux sont soumis à plusieurs formes d’imposition en Suisse : impôt sur la fortune, impôt sur les successions, impôt anticipé, droit de timbre et autres taxes ou prélèvements, sans compter les différents taux d’imposition. Si l’assiette fiscale est définie de manière exhaustive, même des taux d’imposition faibles peuvent générer des recettes élevées.
Les comptes nationaux (CN) se sont avérés être une source de données utile pour estimer la charge fiscale effective. Ceux-ci enregistrent tous les flux de paiement entre les acteurs les plus importants de l’économie, à savoir les ménages, les entreprises et l’Etat. Selon les comptes nationaux, les ménages privés ont généré un revenu avant impôts et cotisations sociales d’environ 415 milliards de francs en 2019. Sur ce montant, environ 61 milliards sont revenus à l’Etat sous forme d’impôts sur le revenu, ce qui correspond à une charge fiscale moyenne d’environ 14,7 %.
Si l’on simplifie encore, en supposant que les rendements des capitaux et les salaires sont imposés au même taux avec l’impôt sur le revenu, d’autres évaluations sont possibles. (Cette hypothèse est justifiée par le fait que l’impôt suisse sur le revenu est très étendu. Contrairement à d’autres pays, les valeurs locatives, qui se chiffrent à environ 50 milliards de francs par an, soit une source importante de revenus pour les ménages, sont imposables en tant que revenu.) Les CN présentent de manière différenciée les salaires et les rendements des capitaux des ménages suisses. A partir de là, on peut estimer de façon approximative la charge fiscale moyenne de ces deux formes de revenus.
Le graphique ci-dessous présente le résultat. Selon cette estimation, le taux d’imposition moyen sur les salaires est d’environ 22 %. Ce taux est resté constant au cours des 25 dernières années. Ce chiffre est un peu plus élevé que le taux de l’impôt sur le revenu mentionné ci-dessus, car l’impôt sur le revenu n’est pas le seul impôt sur les salaires. Les cotisations sociales (à l’AVS, à l’AI, à l’AC, etc.) contribuent également de manière significative à cette imposition.
Une évolution quelque peu différente – et plus surprenante – se dégage en revanche de la charge sur les revenus du capital. Alors qu’on entend souvent que cette charge a sensiblement diminué en Suisse, les données des comptes nationaux montrent le contraire. Avec un taux moyen de 43,8 % des rendements des capitaux nets (c’est-à-dire les revenus après amortissement) en 2019, la charge fiscale moyenne calculée de manière macroéconomique sur les rendements des capitaux est plus élevée qu’il y a 25 ans. Si l’importance relative des droits de succession a diminué, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les gains immobiliers sont plus rentables que jamais. En conclusion : non, le capital n’est pas épargné en Suisse.