Pour célébrer son lancement en Suisse romande, Avenir Jeunesse a organisé un débat avec tous les dirigeants romands des partis de jeunes. Le 1er octobre 2019, à trois semaines des élections fédérales, ceux-ci ont défendu leurs idées pour relever trois défis d’importance nationale mais qui concernent tout particulièrement les jeunes générations : le climat, la prévoyance et le marché du travail de demain.

L’événement a confronté les sept plus grands partis politiques suisses. Ont participé au débat :

  • Ana Fontes Martins (co-présidente des Jeunes Vert’libéraux suisses – JVL)
  • Mathieu Gauss (vice-président des Jeunes PBD suisses)
  • Mathieu Giroud (vice-président des Jeunes Démocrates-chrétiens suisses – JDC)
  • Nicolas Jutzet (vice-président des Jeunes Libéraux-radicaux suisses – JLR)
  • Florent Morandi (Jeunes UDC suisses)
  • Kevin Morisod (co-président des Jeunes Vert-e-s suisses – JV)
  • Bertil Munk (vice-président de la Jeunesse socialiste suisse– JSS).

Nicolas Jutzet (masqué), Mathieu Gauss, Bertil Munk, Mathieu Giroud, Ana Fontes Martins, Kevin Morisod et Florent Morandi Photo : Darius Farman

Modéré par Darius Farman, le débat a eu lieu dans la vénérable salle du Conseil communal de Lausanne et a attiré une soixantaine de personnes, jeunes comme moins jeunes. Le conseiller municipal Pierre-Antoine Hildbrand, qui a gracieusement mis la salle à disposition pour l’événement, a accueilli les participants au nom de la Ville de Lausanne. «Je suis fier que Lausanne soit la capitale de la Suisse romande ce soir»  a-t-il déclaré avec bonhomie, avant de mettre en avant la dimension symbolique des lieux, un «lieu de débat» au centre de la démocratie.

Avenir quoi ?

Avenir Jeunesse ! C’est une plateforme du think-tank libéral Avenir Suisse autour de laquelle les jeunes générations peuvent se réunir pour débattre de l’avenir de la Suisse. Les différents événements organisés par la plateforme permettent aux intéressé.e.s d’échanger leurs points de vue, de poser un diagnostic sur les défis de notre temps et de réfléchir ensemble à des solutions libérales.

Climat – Même diagnostic, différentes solutions

La problématique climatique figure parmi les préoccupations principales des citoyens suisses en amont des élections.  D’emblée, tous les intervenants se sont accordés sur une chose : le dérèglement climatique d’origine anthropique constitue un problème majeur qu’il s’agit de résoudre. La Suisse doit par conséquent réduire de manière significative ses émissions de gaz à effet de serre.

Le consensus en est resté là. Pour tout le reste, c’est-à-dire sur les mesures concrètes à prendre, les divergences n’ont pas tardé à se manifester. Pour les JLR, ce sont les citoyens – et pas seulement l’Etat – qui doivent prendre des mesures à leur niveau pour réduire la quantité d’émissions. D’un point de vue fiscal, il convient également de taxer plus lourdement la consommation plutôt que le travail et de favoriser l’innovation. Pour les JSS, au contraire, il faut sortir de cette logique de l’innovation qui résoudrait tous les problèmes. La solution passe selon eux par la fin de la course à la croissance et par un programme d’investissements publics massifs pour décarboniser la société. Les JSS se sont aussi montrés prudents sur la fiscalité écologique, notant que des taxes comme celles sur l’essence pourraient toucher de manière disproportionnée les classes modestes.

L’impact du dérèglement climatique sur notre santé a également été mis en avant (JV), de même que l’importance d’aborder la dimension environnementale dans les accords de libre-échange, tel que celui avec le Mercosur (JDC), ou l’importance de consommer local (jUDC). D’autres mesures, comme un encouragement à la mobilité douce (JVL), une taxe sur le kérosène (jPBD), le développement prioritaire d’infrastructures en périphérie (JDC), la tarification de la mobilité («mobility pricing») (JLR) ou un aménagement du territoire respectueux du climat (JV), ont également été proposées.

Retraites – Augmenter les recettes ou travailler plus longtemps ?

Malgré l’acceptation de la réforme fiscale et du financement de l’assurance-vieillesse et survivants (RFFA) en mai 2019, les comptes de l’AVS plongeront à nouveau dans le rouge dès 2023. Et ce n’est pas la proposition AVS21 du Conseil fédéral qui changera la donne : si tant est qu’elle soit acceptée, elle ne prolongerait le sursis que jusqu’en 2027.

Sur ce sujet, les perceptions du problème étaient différenciées. Par conséquent, les solutions proposées l’étaient aussi. Pour les JV et les JDC, la TVA devrait être relevée pour une durée limitée afin de financer l’AVS. Pour les JS, il ne s’agit pas d’un problème intergénérationnel mais d’un problème de solidarité sociale ; c’est pourquoi le fonds AVS devrait être alimenté en taxant davantage le pourcent le plus riche de la population. Pour les JLR et les jPBD, il faudrait plutôt miser sur un relèvement de l’âge de départ à la retraite et lier ce dernier à l’augmentation de l’espérance de vie. Les JVL ont également proposé de flexibiliser l’âge de départ à la retraite, argumentant que de nombreuses personnes souhaitent pouvoir travailler plus longtemps.

Au cours du débat, d’autres propositions ont également émergé, dont la défiscalisation des revenus de l’AVS (jUDC), la dépénalisation et la taxation du cannabis pour financer l’AVS (JVL), l’obligation de cotiser au deuxième pilier à partir de 18 ans au lieu de 25 (jPBD). Trois autres propositions sont également venues du public : la création d’une taxe sur les transactions financières (dite taxe Tobin), la création d’un revenu de base inconditionnel (RBI) ou l’affectation des excédents de la Confédération à l’AVS plutôt qu’à la réduction de la dette.

Travail – Des priorités différentes

Le marché du travail connaît actuellement une double transformation : transformation de la nature du travail en raison de la révolution numérique et transformation des conceptions du travail chez les nouvelles générations (temps partiel, multi-activité, changements plus fréquents d’employeur, etc.).

Sur ce sujet aussi vaste que complexe, les priorités affichées par les jeunes politiciens n’ont pas manqué de diverger. Aux yeux des JDC, il est capital de revaloriser la formation duale et d’éviter l’académisation à tout-va. Constatant l’augmentation massive de la productivité, les JS ont préconisé une réduction du temps de travail pour une meilleure qualité de vie. Pour les JV, il est crucial de revaloriser le travail du «care», dont l’importance va aller croissant dans une société vieillissante.

La question de l’égalité hommes-femmes, mise en avant par la grève des femmes du 14 juin, a également été abordée. Pour les jPBD, il est inconcevable que l’égalité salariale ne soit pas encore réalisée en 2019, raison pour laquelle il faut établir des commissions de contrôle dotées de pouvoir de sanctions dans toutes les branches. Pour les JVL, la réalisation de l’égalité salariale passera par plus de transparence, par exemple en parlant plus ouvertement des salaires autour de soi ou en famille. Pour les JLR, il est essentiel de passer à l’imposition individuelle pour éviter que les salaires d’appoint ne soient trop pénalisés et de simplifier les réglementations qui font exploser les frais de crèche. Enfin, la majorité des intervenants se sont prononcés en faveur d’un congé parental.

Dans l’ensemble, le débat a montré que les jeunes sont soucieux de leur avenir. Qu’il s’agisse des transformations à l’œuvre sur le marché du travail, du vieillissement de la population et de ses implications pour l’AVS, ou encore de la préservation de notre planète, les problèmes auxquels les jeunes générations sont confrontées sont particulièrement difficiles en ce que leurs effets sont encore imperceptibles. Pour les appréhender, il est donc nécessaire de faire preuve d’anticipation et de penser à long terme – ce que les représentants des jeunes partis ont fait lors de ce premier événement d’Avenir Jeunesse en Suisse romande. Comme quoi les jeunes générations ne peuvent pas être résumées à l’attitude Yolo («You Only Live Once») à laquelle on les réduit volontiers.