Jean-Daniel Chardonnens, Jérôme Cosandey, David Seppey, Tibère Adler, Béatrice Vatron-Steiner, Jean-Hugues Busslinger et Christian Masserey. Crédit photo: Philippe Jung – www.photos-people.ch

Jean-Daniel Chardonnens, Jérôme Cosandey, David Seppey, Béatrice Vatron-Steiner, Tibère Adler, Jean-Hugues Busslinger et Christian Masserey (de gauche à droite). Crédit photo: Philippe Jung – www.photos-people.ch

Jérôme Cosandey, directeur de recherches à Avenir Suisse, a présenté les conclusions de sa plus récente étude, «avenir points de vue: Le travail des seniors, un atout contre la pénurie de main-d’œuvre». Les seniors occupent un rôle croissant sur le marché du travail, rappelant que le maintien d’une activité professionnelle après 65 ans est déjà une réalité pour plus d’un tiers des actifs.

S’il ne constitue pas l’unique piste possible pour parer à la pénurie de main-d’œuvre actuelle – due notamment aux vagues de départs à la retraite des générations de baby boomers et potentiellement aggravée par les conséquences de l’acceptation de l’initiative «contre l’immigration de masse» – le travail des seniors n’en représente pas moins une réelle opportunité, un «trésor caché et insuffisamment exploité», selon Jérôme Cosandey. Et d’attirer l’attention du public sur l’importance capitale de la flexibilisation de l’âge de la retraite et sur les dangers de mesures de protection spécifiques aux seniors en emploi, véritables freins à l’embauche.

La fin de carrière professionnelle, regards croisés et inquiétudes diverses

Mme. Béatrice Vatron-Steiner, responsable recherche-action à l’Institut et Haute École de Santé La Source, a apporté un regard académique sur la question en présentant quelques-uns des résultats de la recherche de l’Université de Lausanne intitulée «Le bénéfice de l’âge» (2009 à 2012).

Période trouble, où l’hétérogénéité des parcours de vie se fait plus grande, la fin de carrière est vue par les différents partenaires interrogés sous des angles différents. Les syndicats et les patrons se focalisent plus sur les questions professionnelles, alors que les seniors adoptent une vue plus large, au-delà des questions liées au monde du travail. Question rarement évoquée, les milieux patronaux s’inquiètent bien évidemment de la situation des employés (transfert de compétences et de l’expérience des plus anciens), mais aussi de l’âge de plus en plus avancé des propriétaires d’entreprises et employeurs. Pour ces derniers, la remise d’entreprises est souvent complexe à gérer et à anticiper, et peut parfois avoir pour malheureuse conséquence la disparition de PME.

En revanche, tous insistent sur l’importance déterminante de la formation continue, dont on sait qu’elle décroît aujourd’hui après l’âge de 54 ans. Le débat subsiste quant à la mise en place et au financement de ces mesures, qui doivent incomber aux entreprises pour les uns, à l’État pour les autres.

Une mise en pratique encore trop limitée

La table ronde animée par Tibère Adler, directeur romand d’Avenir Suisse, a donné la parole aux entrepreneurs eux-mêmes.

Jean-Hugues Busslinger, directeur du département politique du Centre Patronal, a rappelé que la Suisse «ne partait pas de rien» en la matière, et qu’en comparaison avec d’autres pays, la situation reste bonne. Les derniers chiffres montrent que le taux d’emplois des seniors en Suisse est de 70,5 %, contre 54 % en moyenne pour les pays de l’OCDE. Surtout, on a constaté une progression de 2,3 % en dix ans du taux d’emploi chez les 65-69 ans, qui s’établit aujourd’hui à 20,3 %. Si la thématique est devenue très actuelle pour l’ensemble des milieux économiques et associations patronales, le travail des seniors est depuis longtemps appliqué par les entreprises, bien qu’il ne soit pas forcément visible pour les experts. En effet, dans une multitude de PME, ceci se passe de façon très naturelle, sans qu’on le conçoive comme une mesure spéciale. Et M. Busslinger de rappeler que les entreprises, lorsqu’elles sont confrontées aux problèmes, savent trouver d’elles-mêmes les solutions et s’adaptent très vite.

Jean-Daniel Chardonnens, directeur de Voyages Jean-Louis, à Fétigny, une entreprise active dans le secteur des bus de tourisme, a insisté sur l’importance de la transmission des savoirs et l’apport bienvenu de main-d’œuvre supplémentaire lors des périodes plus chargées que connaît son secteur, preuve de la flexibilité des travailleurs âgés.

De même, M. David Seppey, directeur général d’ITS SA, spécialisée dans les services informatiques, s’est exprimé sur l’expérience et le professionnalisme apportés par les travailleurs plus âgés. Il a cependant relevé un point important: il est de plus en plus difficile de proposer des collaborateurs âgés – même plus expérimentés – aux clients, car ceux-ci craignent de devoir payer un prix plus élevé, en raison de l’âge.

Salaire et âge : un tabou culturel?

L’idée que le salaire doit augmenter tout au long de la carrière jusqu’à l’âge de la retraite n’est-elle en effet pas un frein supplémentaire à l’emploi des seniors ? Comment en effet blâmer un chef d’entreprise qui choisira, à expérience égale, un collaborateur de 40 ans plutôt qu’un candidat de 55 ans, plus cher parce que plus âgé? Il y a là un tabou à dépasser. Jérôme Cosandey estime qu’un employé acceptera facilement une réduction de son temps de travail et/ou de son salaire en échange de conditions plus souples (flexibilité des horaires de travail, par exemple) et surtout, par la garantie du maintien de son statut. Donner aux employés âgés une fonction de conseiller, chargé de transmettre savoirs et compétences au sein de l’entreprise, est très valorisant et facilite sans aucun doute leur maintien en emploi. Aux entreprises donc d’améliorer dès maintenant la formation continue des travailleurs âgés, la transmission de «best practices» et la flexibilité du travail des seniors, pour contrer durablement la pénurie de main-d’œuvre à venir.

Pour davantage d’informations, nous vous invitons à consulter la publication de Jérôme Cosandey: Le travail des seniors – un atout contre la pénurie de main-d’oeuvre