L’inflation a fait son retour après une longue absence. Alors qu’entre 2008 et 2022, le niveau des prix en Suisse est resté inchangé, l’indice national des prix à la consommation est désormais supérieur de 2,9 % à ce qu’il était il y a un an. Rien de dramatique jusqu’à présent, mais cette tendance à la hausse est inquiétante.

Hausse des prix du logement

Ceux qui cherchent à acquérir un logement depuis longtemps sont confrontés à une hausse des prix qui ne date pas du printemps dernier. Entre 2008 et 2022, les prix des logements en propriété ont augmenté en moyenne d’environ 4 % par an. N’est-ce pas là aussi une forme d’inflation ?

Pas du tout. Bien que les médias parlent volontiers d’«asset price inflation», soit de l’inflation des actifs, il faut distinguer l’évolution des prix de l’immobilier de celle des prix à la consommation. La hausse des prix de l’immobilier n’augmente pas le coût du logement, mais provoque une augmentation de la fortune des ménages.

Cet amalgame fréquent s’explique par le fait que l’immobilier est un bien particulier, qui sert aussi bien un besoin de consommation que d’investissement. De consommation, parce que les biens immobiliers nous procurent des avantages immédiats, tels que la protection contre le froid et l’humidité, ce pour quoi les ménages sont prêts à dépenser de grandes sommes : en Suisse, cela représente environ un cinquième du budget annuel de consommation. L’avantage en termes d’investissement, quant à lui, provient du fait que les biens immobiliers sont stables : ils permettent de transmettre le pouvoir d’achat dont on n’a pas besoin actuellement, souvent même à la génération suivante.

Comme les propriétaires ne se versent pas de loyer, on pourrait penser que la hausse des prix s’accompagne d’une augmentation des frais de logement. C’est faux. Les prix peuvent augmenter sans que les loyers n’augmentent. C’est par exemple le cas lorsque la valeur de la consommation future (par rapport à la valeur actuelle) augmente. C’est typiquement le cas dans une société vieillissante : les rendements, qui ne sont rien d’autre que le rapport entre le loyer et le prix, dégringolent.

Inflation des loyers modérée

Un tel scénario s’est produit en Suisse au cours des dernières décennies. Certes, l’inflation des loyers n’était pas exactement nulle, mais elle était tout à fait modérée, à environ 1 % par an (en valeur réelle). Cette hausse coïncide à peu près avec l’augmentation des salaires et des revenus : les ménages suisses ne dépensent donc pas plus pour se loger aujourd’hui qu’à l’époque. Il n’en va pas de même pour les prix de l’immobilier qui, comme nous l’avons déjà mentionné, ont connu une hausse nettement plus importante.

Cette hausse était-elle justifiée ? C’est une autre question à laquelle il n’est pas facile de répondre. Des études estiment qu’en Suisse, le taux d’intérêt réel est passé de 2,8 % à 0 % entre 2000 et 2020 (Hauzenberger et al., 2021). Le taux d’intérêt réel est une composante importante des rendements immobiliers. Une telle baisse des taux d’intérêt est compatible avec une multiplication par deux des prix (réels) de l’immobilier. Nota bene : les attentes restent les mêmes en ce qui concerne la hausse des loyers. En clair, la hausse des prix de l’immobilier des 25 dernières années peut être attribuée en grande partie à la baisse massive des taux d’intérêt réels.