A l’échelle mondiale, la Suisse est un petit pays économiquement très prospère. Cette prospérité, elle la doit aussi à sa place scientifique, qui est exceptionnelle au regard de la taille du pays. L’excellence des prestations fournies par certaines de nos hautes écoles rayonne dans le monde entier. L’économie et l’industrie exportatrice, la place financière et l’économie des services ont besoin d’être nourries par la place scientifique et par ses idées. Mais l’avenir de ce succès n’est pas garanti. La concurrence mondialisée s’intensifie avec la mobilité croissante des talents. Dans de nombreux domaines, la recherche de pointe se fait plus exigeante et plus complexe, alors que la masse critique des financements augmente. En même temps, le financement de la formation et de la recherche se voit concurrencé par d’autres dépenses publiques. Si la Suisse veut conserver sa position, voire l’étendre, elle doit regrouper davantage les forces de sa place scientifique.
Favoriser l’efficacité avant la redistribution
Or, dans la réalité de la politique nationale des hautes écoles, ce ne sont ni l’efficacité ni l’excellence qui dominent, mais un méli-mélo d’attentes régionales. Au lieu de se demander si notre pays a vraiment besoin de sept facultés des lettres ou d’une nouvelle faculté d’économie, on utilise les énergies pour se tailler la plus grosse part possible du gâteau public, avant de le redistribuer «à l’amiable». Les hautes écoles sont perçues comme une espèce de «service public» censé assurer une offre aussi complète que possible partout dans le pays. La loi sur l’encouragement des hautes écoles est l’expression de ce principe fédéralo-corporatiste qui place la redistribution au-dessus de l’efficacité.
Moins de politique dans le monde universitaire
La Suisse devrait s’envisager comme un espace universitaire national unique jouant dans le concert mondialisé des places scientifiques. Ce qu’il faut, ce n’est pas un masterplan bureaucratique qui assigne des rôles aux hautes écoles, mais une plus grande liberté organisationnelle pour les institutions. Il conviendrait de les libérer autant que possible des influences politiques.
Une manière possible de dépolitiser le débat serait de passer du financement actuel des prestataires à un financement des utilisateurs: par exemple par le biais d’un compte de formation financé par l’Etat avec lequel les étudiants payeraient leurs études. La concurrence contraindrait les hautes écoles à réfléchir aux filières qu’elles souhaitent offrir elles-mêmes et aux coopérations qu’elles veulent nouer. Cela entraînerait une spécialisation et, avec elle, la concentration nécessaire des forces. Peut-être qu’il continuerait à y avoir des Universités généralistes, car la variété des disciplines possède certainement une valeur. Dans le cas contraire, ce ne serait pas une catastrophe pour les étudiants. Après tout, les villes universitaires du pays sont facilement accessibles pour les pendulaires.
Cet article est paru dans le magazine de recherche «Horizons» de septembre 2016 (édition 110) du Fonds national suisse. Il y était accompagné d’une contribution d’Astrid Epiney, rectrice de l’Université de Fribourg, qui défend les Universités généralistes.
Avec l’aimable autorisation de la rédaction.