On pense souvent que la libéralisation représente une menace pour le service universel. En réalité, c’est le contraire qui est vrai: le subventionnement et le financement opaques et massifs des services publics entravent la capacité optimale de fonctionnement des marchés du secteur des infrastructures. Cela est dû à la définition floue des services publics. Ceux-ci deviennent souvent l’enjeu des groupes d’intérêt comme les syndicats ou les entreprises publiques, qui souhaitent bénéficier de financements particulièrement importants pour leur mandat de service public ou jouir d’avantages réglementaires. L’étude d’Avenir Suisse «Davantage de marché pour le service public» examine de manière approfondie le service public dans une perspective théorique, historique et internationale. Elle analyse les relations entre le service universel défini par la politique et la libéralisation du secteur des infrastructures, et se penche sur les distorsions de la concurrence dans les secteurs de la Poste, des télécommunications, de la radiotélédiffusion, de l’énergie, des transports publics et des hôpitaux. Les contributions portant sur La Poste et les hôpitaux ont été rédigées par les professeurs Helmut Dietl et Robert Leu, tandis que le chapitre traitant du «public corporate governance» est le fruit d’une collaboration avec le professeur René L. Frey.

L’analyse montre que les prestations d’infrastructures fournies ou subventionnées par l’État sont conçues de façon trop floue. La définition du service public justifie non seulement l’approvisionnement des régions périphériques mais aussi la politique locale et industrielle dans les centres urbains. Cela permet d’occulter le fait que beaucoup de prestations considérées comme services publics et subventionnées pourraient tout aussi bien être fournies dans un marché libre. Les instruments généreux et souvent opaques de subventionnement et de financement entraînent une multiplication des distorsions. D’une part, les subventions (croisées), les monopoles résiduels et d’autres dispositifs régulateurs entravent l’accès au marché. D’autre part, le manque de financement par les usagers entraîne une forte et inefficace demande en infrastructures ainsi que des effets de distribution involontaires. De surcroît, la majorité des entreprises bénéficiant d’un mandat de service universel restent, en dépit de l’introduction de processus de libéralisation, en mains publiques. Un état de fait qui favorise les conflits d’intérêts et l’absence de volonté politique d’entreprendre d’autres pas en direction de l’ouverture. Comme les entreprises publiques sont de plus en plus appelées à faire du chiffre d’affaires et s’étendent sur les marchés privés, le manque de concurrence devient particulièrement critique.

Une feuille de route pour davantage de concurrence

Le livre esquisse une feuille de route qui propose une série de mesures générales et spécifiques à certains secteurs visant à instaurer en trois étapes davantage de concurrence et un engagement privé plus significatif dans le secteur des infrastructures suisse:

  • Une condition préalable essentielle en vue d’une véritable concurrence repose sur un financement plus conséquent de la part des usagers. Si l’on supprimait les subventions et les subventions croisées, il serait possible de démanteler les barrières artificielles d’entrée sur le marché. L’augmentation du financement par les usagers n’exclut pas que certaines prestations soient avant tout à la charge des cantons et des communes.
  • L’État doit toutefois se contenter d’un rôle subsidiaire et se porter acquéreur de prestations qui sont souhaitées par la société, mais qui ne sont pas proposées par le marché. Le financement du service public doit être simple et transparent, et répondre à des critères concurrentiels.
  • Afin d’exclure un traitement de faveur envers les entreprises publiques, il est nécessaire (par exemple sur le modèle du droit européen en matière d’aides d’État) de formuler des conditions-cadre légales qui créent des incitations à procéder à des appels d’offres concurrentiels.
  • La propriété étatique dominante des entreprises d’infrastructures et les conflits d’intérêts (politiques) qui en résultent empêchent une plus grande ouverture des marchés. Un processus de privatisation plus soutenu est nécessaire en Suisse. Il faut entre autres privatiser des entreprises et/ou procéder à la vente de certaines installations de production à des acteurs privés.